Sous la reproduction de la coupole de la cathédrale Saint-Étienne de Cahors, le banc Iceberg de Zaha Hadid, propose une discussion déconcertante avec l’une des rares peintures monumentales gothiques conservées aujourd’hui en Europe. Plus loin, ce sont les étagères Super-position de Jean Nouvel, qui font face aux statues du portail de la cathédrale de Chartres ou le mobilier de Georges Candilis dessiné pour Port-Leucate qui vient se poser devant une maquette de la station balnéaire… La Cité de l’architecture et du patrimoine, à Paris, a entamé le 29 mai dernier un dialogue stimulant entre ses collections et du mobilier d’architectes de 1960 à nos jours.
« L’idée m’est venue, à la fin des années 90, d’écrire un livre sur ce sujet rarement traité. Elle a lentement mûri en moi, et, il y a quatre ans, cette envie s’est transformée en exposition. J’ai alors soumis l’idée à la Cité de l’architecture en leur proposant de traiter la période des soixante dernières années. Les sixties constituent une décennie charnière, qui correspond à la fin des Trente Glorieuses et au décès de nombre de figures du modernisme – parmi lesquelles Ludwig Mies Van der Rohe, Frank Lloyd Wright, Eero Saarinen ou Le Corbusier –, mais aussi celle de la révolution des mœurs et des matériaux comme le plastique », explique Lionel Blaisse, commissaire de l’exposition avec Claire Fayolle.
Ensemble, ils ont investi toute la Cité, exposant 246 pièces (!!!) dans un parcours thématique qui permet de redécouvrir les méandres de ses salles, de la bibliothèque jusqu’au dernier étage, avec en point d’orgue, au sous-sol, un espace entièrement consacré à la rétrospective. Dans la galerie où l’on fabriquait les moulages, rebaptisée « la Cathédrale » en raison de ses proportions, les pièces sont exposées devant des tirages de projets d’architecture, à l’instar d’un banc d’Herzog & de Meuron venant faire écho à leur Elbphilharmonie de Hambourg.
Du chercheur à l’héritier de la tradition
« L’idée était d’ouvrir la Cité à un plus large public », raconte Lionel Blaisse. Des visiteurs qui seront curieux de découvrir un foisonnement de pièces aussi excitantes qu’éclectiques, de l’établi en bois de Snøhetta au lustre Vortexx de Zaha Hadid, le véritable trésor de la Cathédrale. Les deux commissaires se sont particulièrement focalisés sur des marques développées par et pour des architectes (Sawaya & Moroni, Cappellini, Artemide…), sur deux pays (le Brésil et le Japon) et sur certaines personnalités, comme Ettore Sottsass.
« Du chercheur à l’héritier de la tradition, en passant par l’occasionnel, le professionnel, l’éditeur, l’engagé ou encore le passionné, nous faisons un inventaire de tous les mobiles qui conduisent le bâtisseur à concevoir du mobilier, détaille Claire Fayolle. Nous nous sommes donc intéressés au travail de recherche des architectes. Ainsi, le mobilier peut être l’incarnation d’un changement de mode de vie, ce que nous illustrons par exemple avec le pouf Sacco, chez Zanotta. »
Autres axes d’exploration : le numérique, avec un banc de Thomas Heatherwick, et la structure ou la matière, avec le fauteuil Up5, de Gaetano Pesce, plus connu sous le nom de « Mama » (B&B Italia). « La recherche sur la matière, où le mobilier est traité comme un bâtiment, est en effet une source importante d’innovation », poursuit Lionel Blaisse, qui explicite ensuite la catégorie des héritiers de la tradition : « Ce sont ceux qui conçoivent du mobilier pour leurs projets et qui s’inscrivent, pour leur part, dans une histoire de l’architecture. »