Pas d’art décoratif ni même de design sans dessin, qui matérialise d’un premier jet les idées d’un créateur. Dès la première mouture du musée des Arts décoratifs, en 1864, les esquisses sont précieusement conservées. À l’époque, certains pensent qu’ouvriers et artisans doivent les voir pour se former. En 1880, une exposition présente déjà moult croquis. Le Cabinet des dessins est inauguré en 1974 afin de pouvoir encore mieux les préserver. La collection du musée est désormais l’une des plus riches du monde, avec près de 200 000 pièces du XVe à aujourd’hui, d’Emilio Terry à Robert Mallet-Stevens en passant par le designer allemand Konstantin Grcic. Les donateurs ont été généreux, ainsi que les artistes et les créateurs
L’exposition prend le chemin tranquille de l’abécédaire qu’on égrène, mais assène régulièrement des gifles esthétiques. Montrée pour la première fois, une illustration en couleurs de Robert Mallet-Stevens représentant l’élégant et graphique Pavillon des renseignements et du tourisme, lancé dans le ciel de l’Exposition internationale des arts décoratifs de 1925, fait mouche. On redécouvre l’architecte paysagiste Gabriel Guévrékian, connu pour le jardin de la Villa Noailles, à Hyères, avec un autre projet d’eau et de lumière en aquarelle figurant un parc multicolore.
Avenue Montaigne, le sol de la Maison pompéienne de Jérôme Napoléon pour sa maîtresse, la comédienne Rachel, inspirera plus d’un architecte d’intérieur, mais aussi quiconque aime marcher pieds nus sur une terrasse. Les coups pleuvent. Le designer René Herbst a fait don de la sublime ébauche en couleurs de Pierre Chareau, qui imaginait les appartements d’une ambassade française avec un sens élevé des valeurs de la République en représentation (cf. notre photo de couverture, NDLR). Bois précieux, fauteuil ivoire, tout y est. Coup de grâce avec les dessins du décorateur Emilio Terry. On ne dira jamais assez ce que le Paris des Années folles peut avoir de pertinent encore aujourd’hui. L’exposition est d’autant plus étonnante qu’elle est aussi distrayante que scientifique. On apprend. Une image, un texte, une image, un texte…
> « Le Dessin sans réserve ». Au musée des Arts décoratifs, à Paris (Ier), jusqu’au 31 janvier 2021. Madparis.fr