Une cuisine « américaine » ouverte sur la cuisine, des chaises longues en tissu et tube d’acier, des tapis aux lignes ultra-graphiques, des maisons aux larges baies vitrées… L’exposition que le Centre Pompidou consacre à l’UAM ne dépaysera pas le visiteur du XXIe siècle, qui se retrouve baigné dans un univers qui lui est familier. La surprise vient plutôt quand on y découvre que cet univers domestique a été réfléchi il y a une centaine d’année par une bande de doux-dingues obsédée par une nouvelle façon de vivre qui tourne le dos aux fanfreluches du passé.
Plusieurs années ont été nécessaires aux trois commissaires, Olivier Cinqualbre, Frédéric Migayrou et Anne-Marie Zucchelli, pour constituer cette fascinante exposition qui nous permet de replonger aux sources de notre univers domestique, de comprendre ce qui l’a forgé… dans une indifférence quasi générale. En effet, l’idée est encore largement répandue qu’en France, c’est l’Art déco qui a signé la rupture avec l’ordre ancien avant de passer le relais au modernisme après-guerre…
Une méprise que le Centre Pompidou vient battre en brèche avec cette exposition. Le mouvement UAM est officiellement né le 15 mai 1929 mais ses origines remontent au Salon d’Automne de 1903, « qui va servir tout à la fois de lieu d’expérimentation et de caisse de résonance aux tenants de la modernité. Quelques années après sa fondation, en 1934, l’UAM se dotera d’un manifeste. Pour répondre à toutes les attaques auxquelles elle a dû faire face, son mode d’expression privilégié est l’exposition. Ses salons se veulent la démonstration d’une vision commune, revendiquent la prééminence du collectif, affirment l’absence de hiérarchie entre les arts, affichent une modernité résolue qui n’est encore que rarement acceptée et promue par les pouvoirs publics », expliquent les commissaires.
C’est paradoxalement à la fin des années 1940, alors que le groupe se délite, que ses idées se répandent et influencent en profondeur le quotidien… Le béton, le métal et le verre s’invitent à l’intérieur comme à l’extérieur, les lignes épurées remplacent les moulures, les matériaux simples se substituent aux précieux, la couleur s’invite en larges aplats dans les intérieurs… Bien loin des clichés du minimalisme à la froideur clinique, obsédée par l’hygiénisme !
Même si Francis Jourdain, pionnier de l’UAM, disait que « le grand luxe est de démeubler », l’exposition est à la fois chaleureuse, joyeuse, chatoyante et ne tait pas les contradictions et les excès du mouvement. Une somptueuse Bugatti bleu royal côtoie une maison démontable de Jean Prouvé et plus loin des papiers peints colorés signés Ruhlmann ou une table lumineuse de Djo-Bourgeois futée et novatrice, démontrent la variété de ce courant total. Une exposition vivifiante, dans laquelle se noyer et revenir aux sources de cet art de vivre aujourd’hui passé dans les mœurs.
UAM, une aventure moderne. Au Centre Pompidou jusqu’au 27 août.