Pour cette exposition-événement, le Design Museum de Londres signe un doublé inédit : c’est la première fois qu’Azzedine Alaïa est exposé en Grande-Bretagne et c’est la première exposition qui a lieu depuis sa mort, survenue brutalement en novembre dernier. Une occasion inratable, donc, de (re)découvrir l’univers Alaïa, autour des différents chapitres qui ont rythmé ses presque quarante ans de création.
Si les proportions de l’exposition sont restreintes, les robes qui la composent, elles, ensorcellent. Pureté formelle transcendante, variété et richesse des tissus, audace des galbes : tout y est. De loin en loin, les créations les plus iconiques du grand couturier se suivent sans se répéter, toutes imprégnées pourtant d’une même mouvance : celle qui colle au corps, telle une seconde peau, pour magnifier à l’extrême la silhouette féminine.
Car au fond, c’est bien de cela dont il s’agit : de vêtements composés pour sublimer celle qui les mettra. De fait, rien qu’à les voir, ces robes facteurs de beauté, tout est clair : Monsieur Alaïa ne pouvait qu’aimer les femmes, lui qui a consacré sa vie à les embellir, s’entourant d’un aréopage de mannequins aux courbes irréelles, qui étaient à la fois ses muses et ses amies. Des femmes sur lesquelles il ajustait directement ses robes, tel le sculpteur qu’il était, amoureux de la ligne et de la mise en scène. Sous sa vision, la femme devenait un être dressed to impress. Une sculpture en marche.
C’est ce dont témoigne la soixantaine de robes rassemblées sous l’égide d’une scénographie épurée, sobre, mise en retrait pour mieux donner aux créations toute la place. Vues de près, celles-ci sont encore plus saisissantes que sur papier glacé ; proportions vertigineuses, veloutés entêtants, coupes proclamées. Parmi elles, figurent les pièces qui ont fait la renommée d’Alaïa : la fameuse robe zippée, la robe bandage, la ceinture corset…
Outre leur caractère indémodable, ces robes sont les versions traduisant l’inlassable quête du couturier : atteindre « la coupe parfaite », explique Mark Wilson, co-curateur de l’exposition (dont Alaïa avait supervisé les moindres détails). « Beaucoup des robes présentées ici ont été faites spécialement pour cet événement », poursuit-il. « Azzedine était un tel perfectionniste ; il voulait que chaque robe épouse exactement le mannequin. Aussi les achevait-il directement dessus. D’ailleurs, depuis le croquis jusqu’à la coupe de ses modèles, il faisait tout lui-même. ».
Ainsi Azzedine le perfectionniste avait-il tout prévu pour que l’exposition se fasse en marge de l’ouverture de son flagship store, situé dans la très chic New Bond Street à Londres, et inauguré le 26 avril dernier. Quant à l’exposition, il l’avait envisagée comme une installation, d’où les deux robes sculpturales trônant avec panache dans le vaste hall d’entrée du Design Museum, telles une double annonciation de la suite. L’une noire, l’autre blanche, toutes deux issues d’une même grammaire envoûtante : celle des courbes.
Exposition « Azzedine Alaïa: The Couturier », jusqu’au 7 octobre 2018.
Au Design Museum, 224-238 Kensington High St, Kensington, London W8 6AG, Royaume-Uni.
designmuseum.org