Point de départ de cette exposition présentée à la Philharmonie de Paris jusqu’au 29 avril 2018, une carte blanche musicale donnée à Etienne Daho, invité d’honneur du Festival Days Off en 2014. Il consacrera l’une des soirées à la nouvelle scène pop hexagonale (Calypso Valois, La Femme ou encore Lescop), l’occasion pour le chanteur français de ressortir son appareil, « d’immortaliser leur insouciante photogénie et de capturer ce mystérieux moment de l’envol ». Peu à l’aise avec l’idée d’exposer ses seuls clichés comme le lui proposa la Philharmonie de Paris, ils envisagent ensemble un projet plus ambitieux : raconter en images et en musique sept décennies de pop française.
« J’ai hésité un temps avant d’accepter ce projet car il est difficile de s’extraire du monde dont je fais partie pour le raconter avec suffisamment de distance », explique Etienne Daho, quelque peu effrayé à l’idée d’une sélection non exhaustive et forcément partiale. « Cette exposition n’est pas un catalogue global de la pop française, mais relève d’un choix subjectif d’artistes : ceux qui ont nourri mon envie de devenir musicien, ceux dont la trajectoire croise la mienne, où ceux encore sur lesquels je souhaite mettre la lumière ». D’Edith Piaf à Jacques, 200 photos d’artistes tirent un fil chronologique entre 1950 et 2017. Daho n’hésite pas à convoquer des références pointues, à exhumer des noms injustement oubliés mais aussi à célébrer des icônes très populaires, s’autorisant des pas de côté avec des signatures inattendues.
« Dans le choix du titre « Daho l’aime pop ! », il y a une énigme. Que signifie le mot pop ? Lorsque j’étais enfant et adolescent, je ne me suis jamais préoccupé des genres et passais allègrement de la chanson populaire à l’underground, avec le même plaisir non coupable », confie-t-il en préambule. Dès ses débuts, en quête de liberté, Etienne Daho s’auto-définit comme chanteur pop pour échapper à la rigidité des codes qui corsètent le rock et la variété. Il joue les narrateurs le temps de cette exposition immersive à découvrir casque vissé sur les oreilles. A grand renfort d’anecdotes réjouissantes, il nous raconte une histoire, mais aussi son histoire, rappelant que Serge Gainsbourg fut traité de vendu par la Rive Gauche quand il se mit à écrire pour les yéyés, mais aussi l’importance de la scène rennaise, assumant les incursions vers le hip-hop (NTM) et l’électro (Laurent Garnier).
Côté mise en scène, l’agence d’architecture Freaks et le studio graphique Formaboom ont uni leurs talents. Misant sur la sobriété, servant la lisibilité du contenu sans en faire trop, la muséographie s’inspire de l’univers esthétique du chanteur : chic et raffiné. Dans la galerie principale, deux grands linéaires juxtaposent les tirages mats de 36 cm de hauteur, sans hiérarchie selon le souhait d’Etienne Daho. « Les photos sont simplement posées sur des rails, ce qui crée une relation directe et intime avec celui ou celle qui les regarde, précise Guillaume Aubry de Freaks. Il y avait cette volonté de ne pas fétichiser les clichés en les mettant sous verre, de peur qu’ils nous échappent. » Seules entorses pop au noir dominant, quatre couleurs fluo distinguent les différentes périodes (1950-1969, 1970-1984, 1985-1999, 2000-2017) tout comme les stèles d’images rétro-éclairées. Côté lumière, cruciale dans cette exposition plongée dans l’obscurité, Guillaume Aubry explique : « Notre point de vue était d’utiliser le moins possible l’éclairage muséal et de privilégier l’éclairage de scène. »
A côté de la galerie principale, trois alcôves et autant d’expériences. Dans le « Vidéodrome », on délaisse son casque pour regarder les clips diffusés sur l’écran géant, de Marcia Baila de Rita Mitsouko (1985) ou Osez Joséphine d’Alain Bashung (1991) en passant par Tandem de Vanessa Paradis (1990) signé Mondino. « Juke Box Baby » propose ensuite 200 morceaux à écouter au casque, assis, debout ou au rythme des beats sous la boule à facettes du dancefloor silencieux, en compagnie de Françoise Hardy. Enfin dans le « Daholab », place aux clichés signés Etienne Daho himself. Des photos de ceux qui comptent et qui, comme le chantait la it-girl Marthe Lagache en 1990, continuent de « chasser la bienséance en un geste d’élégance » pour écrire cette histoire singulière de la pop française.
> « Daho l’aime pop ! », à la Philharmonie de Paris. 221, avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris. Jusqu’au 29 avril 2018.
> Du mardi au jeudi, de 12 h à 18 h. Le vendredi, de 12 h à 20 h. Les samedis et dimanches, de 10 h à 20 h.
Fermeture anticipée à 17 h les dimanches 24 et 31 décembre.