À l’image du pays, Buenos-Aires est immense et Palermo est le plus grand des quarante-sept barrios (quartiers) qui la composent. Et il n’y a pas un mais plusieurs Palermo. Comme si la mélancolie des Porteños, les habitants de Buenos-Aires, littéralement « les gens du port », ne se résumait jamais seulement à leur origine d’immigrés du Vieux Continent. Et pour cause. D’Italie, d’Espagne ou d’Arménie, sur les cendres d’un siècle de plomb, ils vinrent peupler ces terres sans intérêt, le cœur plein d’espoir et, pour le plus grand nombre, la « misère insouciante » en bandoulière, celle dépeinte par Jorge Luis Borges.
Accédant au statut de capitale fédérale en 1880, la cité attira cette multitude et se dota de grandioses édifices de styles italien puis français. Tandis que les boulevards prirent des dimensions haussmanniennes, l’extension des voies de chemin de fer et l’installation d’un réseau de transports urbains en reculaient les limites bien au-delà du centre-ville. En réalité, peu de villes connurent une expansion aussi rapide et fulgurante que Buenos Aires qui, entre 1880 et 1914, subit une complète métamorphose. La population doubla en l’espace de dix ans, les entreprises se multiplièrent et le commerce maritime connut une formidable croissance. La classe moyenne y jouissait d’un niveau de vie égal, sinon supérieur, à celui connu dans de nombreuses capitales européennes. Mais entre les salons huppés de Palermo Chico et les garages et les entrepôts de Palermo Hollywood, un monde, un gouffre presque, subsiste.
Cela reste le cas aujourd’hui. Au nord, sous le Rio de la Plata, voilà Palermo Chico et ses Bosques, les bois. On s’y promène dans des parcs à perte de vue, au Jardin japonais ou au Jardín Botánico, on va aux courses ou s’entraîner au polo, on passe son temps dans de prestigieux musées, on prend le thé sur de grandes terrasses fleuries au milieu des gratte-ciel high-tech. Des rues calmes sillonnent ce Beverly Hills latino, où caméras et portiers jalonnent des façades « à la parisienne » noyées sous les frondaisons. En suivant l’énorme avenue del Libertador, large de dix voies, depuis les vieilles gares du Retiro jusqu’au parc Tres de Febrero, on traverse successivement les trois principaux quartiers de Barrio Norte : Retiro, Recoleta et Palermo, le poumon vert dessiné par Carlos Thays (1849-1934), architecte et paysagiste français qui conçut plus des trois quarts des parcs de Buenos Aires.
On y trouve aussi un planétarium, une grande roseraie, des lacs artificiels, un « pont des amoureux », l’hippodrome et pléthore de clubs sportifs. C’est aussi le pré carré des « dog walkers », ces promeneurs de chiens professionnels qui baladent chacun une dizaine d’animaux de compagnie appartenant, évidemment, à la bonne société. Il semblerait que le métier, né ici dès le début de la crise (à l’instar de New York), paie bien : de 40 à 70 € par chien et par mois. À raison d’une cinquantaine de clients, faites le compte…
Palermo Viejo commence ici, au sud de l’avenue Santa Fe. La circulation se densifie encore, zébrée des, dit-on, 40 000 taxis noir et jaune qui parcourent la ville. Rebaptisé Soho, le quartier s’est déployé sur un plan en cuadras, avec une dizaine d’habitations par bloc, essentiellement des immeubles bas, de un, deux ou trois étages au maximum, la plupart ayant leur jardin ou au moins un patio intérieur.
Partout, le long des rues et autour de la place Cortázar, la végétation est omniprésente, les arbres imprimant leur part d’ombre salutaire en été. Arpenter les quelques pasajes (passages) aux balcons fleuris et aux pavés disjoints qui entourent la place transporte immédiatement dans une nostalgie bohème. Loin de la fièvre du shopping qui s’est emparée du quartier depuis quelques années.
Les constructions plus hautes appartiennent au présent, depuis que la spéculation immobilière a emboîté le pas d’une récente gentrification qui s’étend maintenant au-delà de l’avenue J.B. Justo. L’artère, qui longe la voie ferrée, marque la frontière avec Palermo Hollywood, quartier ainsi nommé depuis que les sociétés de production audiovisuelle, les médias et les créatifs s’installèrent dans d’anciens ateliers et entrepôts aux loyers attractifs.
À la surenchère touristique de Palermo Soho, saturé de boutiques, de bars et de restaurants à touche-touche, succède désormais la hype un peu plus satellisée d’Hollywood. Un répit modéré avant que les malls à ciel ouvert (comme Distrito Arcos) ne colonisent le quartier pour de bon.
Y aller
À la suite du rapprochement des compagnies LAN et TAM, LATAM Airlines dessert désormais 115 destinations en Amérique latine depuis Paris (via São Paulo). Depuis 2013, LATAM Airlines Group a ouvert quatre salons VIP à São Paulo, Santiago, Buenos Aires et Bogotá. Pour un aller-retour Paris – Buenos Aires, compter 699 € (un vol quotidien Paris – São Paulo, puis six vols par jour São Paulo – Buenos Aires).