Un bâtiment de Massimiliano et Doriana Fuksas (@fuksas_architects) est toujours un événement, dans tous les sens du terme. À Rome comme partout, la genèse d’un projet ambitieux peut parfois tourner au cauchemar pour les architectes. Le couple Fuksas avait fini par se demander si son fameux « Nuage » serait un jour achevé tant son histoire fut mouvementée. Mais c’est désormais chose faite. En octobre 2016, Rome a enfin inauguré son nouveau centre des congrès, non sans douleur. En cause, une architecture jugée trop avant-gardiste. Il faut dire que chaque intrusion contemporaine dans la Ville éternelle est sujette à polémique. Sitôt qu’un architecte, aussi prestigieux soit-il, se retrouve désigné pour la marquer de son empreinte, des voix s’opposent.
Ainsi, Zaha Hadid avec le MAXXI (musée national des Arts du XXIe siècle), Richard Meier avec l’Ara Pacis Museum ou encore Renzo Piano avec l’auditorium Parco della Muscia ont dû affronter de nombreux détracteurs peu enclins à voir leur ville muséifiée se transformer. Il faut dire que le Nuage est le plus gros bâtiment édifié dans la capitale italienne depuis plus de cinquante ans. Ce nouveau centre des congrès a pris place dans le quartier sud de l’EUR (pour Esposizione Universale di Roma), qui porte le sceau de Benito Mussolini. De l’édifice, tout aura été dit, y compris que les architectes avaient tout simplement oublié les toilettes ! Légende urbaine, certes, mais plus souvent colportée que démentie. Une chose est sûre, la gestation fut longue, très longue : Massimiliano et Doriana Fuksas avaient remporté le concours en 1998, la première pierre fut posée fin 2007, et l’achèvement atteint fin 2016. Manque d’argent, blocages administratifs, les maires se sont succédé, mais le projet, lui, n’a pas changé.
À première vue, pourtant, rien de futuriste dans cette construction, qui s’inscrit dans la lignée de l’architecture rationaliste caractérisant le quartier. Baptisé « Theca », l’immense volume de béton, de verre et d’acier culmine à 49 mètres de hauteur. L’accès s’effectue sous le bâtiment, par un forum public de 7 500 m2 qui peut accueillir 6 000 personnes. Une scénarisation de l’espace souhaitée par Massimiliano Fuksas, qui déclare avoir conçu son édifice « comme des séquences de film ».
Ce n’est qu’une fois la porte passée que le visiteur se trouve plongé dans une architecture spectaculaire. Une structure organique XXL aux allures de nuage – d’où le nom de Nuvola donné, en version originale, au projet – accueille un auditorium de 1 800 places. Si elle est inspirée du dirigeable, sa forme est néanmoins bien plus complexe : une géométrie mouvante habillée d’une « robe de haute couture », selon Doriana Fuksas ; en l’occurrence, de la fibre de verre blanche.
De l’extérieur, ce volume qui se donne à voir en transparence à travers la façade fait toute l’image du projet. « Cette structure fluide contraste avec le cube de verre qui le contient. Un peu à l’image de Rome avec, d’un côté, le style architectural rationaliste et, de l’autre, le baroque », explique l’architecte. Aux côtés des auditoriums et des espaces d’exposition du centre des congrès, on trouve aussi un hôtel de 439 chambres logé dans un bâtiment indépendant de 17 étages.
Le pari est fait de retombées économiques importantes pour la ville, qui n’avait jusqu’alors pas de centre des congrès suffisamment dimensionné pour accueillir les grands événements. Les estimations oscillent entre 300 et 400 millions d’euros annuels pour Rome. Optimiste ou réaliste, le chiffre avancé vise surtout à rassurer l’opinion publique, qui a eu du mal à digérer les 239 millions d’euros engloutis pour réaliser le bâtiment, chiffre avancé par les architectes mais estimé à 353 millions par le client. Quoi qu’il en soit, un vrai risque pour une ville endettée mais un signal positif dans un quartier où plusieurs projets ambitieux sont, eux, restés au point mort.