Jour 1 : de St Antoni de Portmany à Cala Conta
« En général, à Ibiza, le vent vient de l’est et la côte ouest est plus protégée. C’est ce qui a dicté l’itinéraire de notre croisière », explique d’emblée Mitxel, le skipper du Mekatxis. L’embarquement a donc lieu plein ouest, à Sant Antoni de Portmany, village de pêcheurs devenu l’une des principales stations balnéaires de l’archipel. Dès la sortie du port, apparaissent à tribord les jolies criques de Cala Gració et Cala Gracioneta et, en arrière-plan, la pointe du cap Nonó avec son tapis de verdure en pente douce qui flamboie sous le soleil au zénith.
Le plus beau reste à venir, à bâbord. Le vent est faible, mais Mitxel décide de hisser les voiles. La vitesse de croisière, entre 3 et 5 nœuds, laisse le temps d’admirer les somptueuses fincas (propriétés) et villas d’architectes posées au milieu de la pinède, au sommet de falaises escarpées : des paysages aussi tourmentés que l’histoire de cette terre qui passa successivement sous la coupe des Phéniciens, des Carthaginois, des Romains, des Byzantins, des Maures, avant d’être conquise par Jacques 1er d’Aragon et de rejoindre le royaume d’Espagne…
Une forme bouge devant les roches, c’est un paddle qui longe les falaises et se glisse dans les grottes. Le moteur d’un Jet-Ski se fait entendre et vient rappeler que la civilisation – le tourisme de masse – est toujours là, en embuscade. Le voilier se faufile entre des îlots. Un yacht de luxe croise sa route. Un cormoran observe. Les heures défilent. Voilà déjà Cala Bassa et Cala Conta. Ce soir-là, le spectacle vient du ciel : un coucher de soleil extraordinaire. Le premier d’une belle série.
Jour 2 : de Cala Conta à S’Espalmador
Après le petit déjeuner, Mitxel lève l’ancre et met le cap au sud. Mekatxis se tient à distance de la côte : assez loin pour offrir une superbe vue sur la minibaie rocailleuse de Cala Corral, puis sur la plage de sable doré de Cala Tarida. Et suffisamment près pour constater que les chiringuitos, les paillotes de bord de mer, s’intègrent bien dans leur environnement. Le skipper sort son matériel de pêche, espérant attraper une daurade ou une bonite… en vain.
À Cala Vadella, l’une des criques les plus profondes de l’île, le voilier s’approche du rivage. Quelques sympathiques beach bars et restaurants ont disposé leur terrasse à même le sable. Le club de paddle yoga a fait le plein pour son cours matinal, mais l’endroit demeure très calme. Un peu plus tard, la silhouette massive d’Es Vedra se devine au large de Cala d’Hort. Selon la légende, cette île-rocher dégagerait un champ magnétique puissant capable de dérégler les boussoles… et d’attirer les extraterrestres.
Fausse alerte : cette fois encore, Mekatxis a franchi sans encombre la passe de 40 mètres de profondeur entre Es Vedra et sa petite sœur, Es Vedranell. Ibiza s’éloigne, le vent forcit et s’engouffre dans les voiles. La navigation, la vraie, peut commencer à belle allure, à plus de 8 nœuds. Deux heures durant, les passagers du bateau se relaient à la barre jusqu’au mouillage suivant, l’île privée de S’Espalmador, long cordon de dunes et de sable rosé aux eaux translucides : le mariage improbable de l’île de Ré et de la mer des Caraïbes.