Tomas Maier, lanceur d’alerte

Pour sa contribution à la protection de l’architecture moderne, le styliste de mode allemand Tomas Maier, directeur artistique de Bottega Veneta (groupe Kering) vient de recevoir le Watch Award 2016 du World Monuments Fund. Le prix lui a été décerné après deux ans de sensibilisation à la menace de destruction planant sur l’hôtel Akura de Tokyo, un palace de 1962 qu’il était question de remplacer par une tour.


Mais de quoi se mêle-t-il ? La question vient vite à l’esprit quand un styliste de mode se pique d’architecture et mieux, de la préserver. Les Anglo-saxons, les Américains en particulier ne sont pas étonnés : ils se souviennent de Jackie Kennedy dans la rue lors de la campagne « Save Grand Central » destinée à sauver la gare qui existe toujours pour le plus grand bonheur des New Yorkais, photographe de mariage ou pas. Le styliste allemand Tomas Maier, directeur artistique du label de mode et de design Bottega Veneta le dit clairement : « Je pense qu’il faut agir maintenant pour ne pas être bouleversé plus tard. » A New York, le World Monuments Fund, association à but non lucratif, qui s’est donné pour mission de préserver et de reconstruire dans le monde entier le patrimoine de l’architecture en danger, s’est rallié à sa cause. Contribuer au futur de l’hôtel Okura, un bijou architectural des sixties menacé de passer par pertes et profits lors de travaux de rénovation. Tomas Maier rappelle la designer française Charlotte Perriand (1903-1999) quand dans les années quarante, elle déplorait à quel point les autorités japonaises n’étaient pas préoccupées de conservation du patrimoine architectural. Cela a changé pour un temple ancien par exemple, mais pas pour un fleuron de l’architecture moderne.

La perspective des J.O de 2020 booste plutôt les travaux de rénovation les plus agressifs. Ère 2.0 oblige, c’est sur les réseaux sociaux que Tomas Maier a fait passer le message, entouré d’architectes, de designer et d’artistes. Symposium, voyage sur place, notamment à travers les bâtiments culte de l’histoire de l’architecture moderne japonaise, il n’a pas hésité à se faire sobrement filmer, non pas en chevalier blanc de l’architecture mais en résistant de l’esprit aquoiboniste. Bottega Veneta, label fêtant ses 50 ans en 2016 l’épaule dans son action.


A Milan, la maison finance un programme de bourses d’études pour les étudiants 2016-2017 de l’Académie des beaux-arts de Brera. Il y a dix ans, Bottega Veneta a fondé une école de maroquiniers. Elle est intéressée au premier chef mais pense aussi à la préservation des savoir-faire. D’où sa modernité à l’aise avec le lien au passé. Boutiques, lieux d’expositions, on est loin de l’esprit white cube. Dans le département des créations de Bottega Veneta pour la maison, même chose, on retrouve le fameux intrechiatto, motif de cuir tressé emblématique de la maison, jusque sur la matière des tables basses en bronze d’Osanna Visconti di Modrone. Comme si l’on ne faisait rien sans tenir compte de ce qui avait été réussi par le passé.