Indissociable de la photo d’Albert Einstein prise devant un ensemble d’équations incompréhensibles pour le commun des mortels ou bien des vers du Cancre, de Jacques Prévert, que tout adolescent a, durant sa scolarité, griffonnés sur son cahier de texte ou son sac à dos, le tableau noir a un indéniable parfum vintage de rentrée des classes et de bachotage.
Dès l’Antiquité babylonienne, les tablettes d’argile gravées de caractères cunéiformes à l’aide de calames (des bâtonnets de roseau) permettaient de consigner et transmettre les savoirs. Mais, aux dires des historiens, il a fallu attendre 1801 pour que l’Écossais James Pillans, alors professeur au lycée d’Edimbourg, suspende une plaque d’ardoise dans une salle de cours. En y écrivant à la craie des éléments effaçables d’un seul coup de chiffon, il a ainsi amorcé l’ère des écrans interactifs, un virage de taille dans le processus éducatif. Au fil des ans, le matériau d’un gris anthracite profond sera remplacé par une planche de bois, directement fixée au mur ou posée sur pieds et recouverte de peinture noire mate. Puis de peinture verte, sans que l’appellation « tableau noir » n’en soit modifiée pour autant.
En ce début de siècle, numérique en diable, on trouve bien entendu sur l’App Store ou sur Google Play de multiples applications transformant tout téléphone ou tablette en ardoise ou tableau noir. De quoi, selon les options, dessiner, s’exercer au maniement de l’écriture et du calcul, pour les plus petits, ou réviser des formules mathématiques beaucoup plus complexes, pour tout Einstein en puissance. Cet objet archétypal a su également inspirer les artistes, comme le démontre la célèbre série des Blackboard Paintings réalisées entre 1966 et 1973 par l’artiste américain Cy Twombly. Mais en 2017, c’est surtout sous sa forme d’ardoise dévoilant le menu du jour, les vins du mois et les trouvailles du marché, transformées en plats gourmets hautement instagrammables par de jeunes chefs talentueux, que le tableau noir a investi notre quotidien.