Dans Le Tailleur de Panama, film de John Boorman (2001), Pierce Brosnan campe un espion britannique qui accroît sa concentration au bureau en se balançant dans un hamac, comme le font aujourd’hui très naturellement les employés des start-up ou des géants du web, Google en tête.
Cet ingénieux lit suspendu, constitué originellement de bandes d’écorces d’arbre tressées, a été créé il y a plus de mille ans par les Tainos (peuple indigène des Caraïbes) et son nom vernaculaire, hamaca, est passé à la postérité. Fixé à une hauteur raisonnable du sol, il protégeait le sommeil des Indiens d’Amazonie de l’humidité ambiante ainsi que des insectes et des serpents. En accostant aux Bahamas en 1492, Christophe Colomb a donc non seulement découvert le Nouveau Monde mais également le hamac, qu’il s’est ensuite empressé d’introduire en Europe.
À la fin du XVIe siècle, ce bout de tissu était de toutes les traversées de la Royal Navy pour accompagner en souplesse le roulis et éviter ainsi les chutes intempestives de marins endormis. Après avoir fait un bref passage dans les prisons britanniques au XIXe, le hamac a même reçu l’adoubement des ingénieurs de la NASA et équipé la capsule Apollo. Si un National Hammock Day le consacre aux États-Unis, son usage reste particulièrement populaire en Amérique latine. La Colombie et le Venezuela le préfèrent en maille filet colorée, alors qu’il fait indéniablement partie du quotidien des Brésiliens en simple toile écrue, y compris dans les pousadas (auberges) chics de Trancoso.
Depuis quelques années, la simplicité archétypale de l’objet en fait un terrain de jeu idéal pour les designers qui le font passer au salon. Le Brésilien Maurício Arruda l’a ainsi détourné en fauteuil (Poltrona Rede), tandis que les Berlinoises de Bless l’abordent en mode conceptuel, mais toujours fonctionnel. Exposé l’an dernier à la Vitra Design Museum Gallery, leur Carpethammock, imaginé avec le spécialiste des tapis Reuber Henning à partir d’un tapis persan, trône d’ailleurs cet été dans la boutique de la Villa Noailles. Une ode à la slow life cultivée : what else ?