Design et contrefaçon : le revers de la médaille

Victimes de leur succès, les éditeurs de mobilier design sont confrontés à une vague de contrefaçons qui déferle de plus en plus fort…

Dans le secteur du design, la contrefaçon est désormais une réalité avec laquelle il faut composer. Aux Puces du design cette année, l’exposition de chaises contrefaites, enrubannées de scotch rouge et estampillées « copies originales » a interloqué les visiteurs. L’idée émane du groupement Unifab, qui défend la propriété intellectuelle, associé aux 5.5 designers et attirait l’attention sur un phénomène qui mine un marché où les marges demeurent basses pour la plupart des fabricants. Selon ces derniers, les ventes de copies sur internet peuvent réaliser jusqu’à 10 fois celles des originaux ! Un état de fait qui inquiète et frustre les professionnels, designers et éditeurs en tête.

Le fauteuil Egg d’Arne Jacobsen (1958, Fritz Hansen). L’Œuf est l’une des pièces les plus copiées du design scandinave.
Le fauteuil Egg d’Arne Jacobsen (1958, Fritz Hansen). L’Œuf est l’une des pièces les plus copiées du design scandinave. DR

Avec la redécouverte du mobilier du XXe siècle, de ses modèles mythiques et de ses créateurs stars, les pièces vintage s’arrachent à prix d’or. L’envolée de la cote des grands designers a favorisé les arnaques en tout genre, un phénomène démultiplié par le passage d’une contrefaçon artisanale à une industrie hautement rémunératrice… Sur la Toile, des annonces racoleuses titillent l’amateur non averti. Dernière trouvaille ? L’emblématique Lounge Chair des Eames à 850 €. Une aubaine en toc : le modèle fabriqué selon les vœux de Charles et Ray Eames est commercialisé autour de 6 000 € chez son éditeur Vitra, seul habilité à produire les créations du couple star du design en Europe.

Le fauteuil LC2 (1928) par Le Corbusier, Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret. Vendu 4 500 € chez Cassina, on trouve sur le Net des versions au rabais pour 500 €.
Le fauteuil LC2 (1928) par Le Corbusier, Charlotte Perriand et Pierre Jeanneret. Vendu 4 500 € chez Cassina, on trouve sur le Net des versions au rabais pour 500 €. DR

Du côté de la loi, la riposte est féroce, notamment en France où la législation sur la propriété intellectuelle est particulièrement rigoureuse. Acheter de la contrefaçon peut valoir une amende de 1 à 2 fois le prix du produit authentique ! Sans parler du risque de passer trois ans en prison ! Mais c’est loin d’être le cas partout en Europe. Si la France protège les modèles 70 ans après le décès du créateur, la loi anglaise fixe cette limite à 25 ans et est souvent présentée comme l’Eldorado de la contrefaçon. Le site britannique Voga s’est ainsi spécialisé dans les copies d’icônes du design, en omettant bien sûr de préciser les risques de confiscation à la douane française ! L’exception anglaise devrait cependant prendre fin en 2018 avec l’harmonisation des lois européennes sur la propriété intellectuelle. 

Coffee Table d’Isamu Noguchi (1944). Les ventes de copies de ce modèle ont explosé depuis sa réédition par Vitra. Pour les modèles plus récents, une marque gravée permet l’authentification. Autre détail : les fausses tables ont un plateau de verre beaucoup plus fin que l’original.
Coffee Table d’Isamu Noguchi (1944). Les ventes de copies de ce modèle ont explosé depuis sa réédition par Vitra. Pour les modèles plus récents, une marque gravée permet l’authentification. Autre détail : les fausses tables ont un plateau de verre beaucoup plus fin que l’original. DR

Pour les pourfendeurs du faux – éditeurs en première ligne – le véritable combat est la prise de conscience par le public de la valeur supérieure d’un meuble authentique. Une légitimité qu’on ne peut sentir qu’en acquérant une vraie culture du design. Pour démêler le vrai du faux, il faut se faire un œil et le garder bien ouvert !

Barcelona de Ludwig Mies Van Der Rohe (1929). Cet incontournable de l’éditeur Knoll est une cible privilégiée des contrefacteurs.
Barcelona de Ludwig Mies Van Der Rohe (1929). Cet incontournable de l’éditeur Knoll est une cible privilégiée des contrefacteurs. DR