« De 1984 à 1994, soit durant les dix premières années d’existence de l’agence, 80 % de nos réalisations concernaient des restaurants, et 85 % d’entre eux étaient situés à New York. » Privilégiant depuis toujours les approches à 360°, l’architecte américain David Rockwell vient également de s’aventurer dans le design avec « Valet », une collection de meubles pour petits espaces dessinée pour l’éditeur chinois Stellar Works, ainsi que 25 pièces réinventant le mobilier de bureau, pour Knoll (« Unscripted »).
Une collaboration inspirée par le succès phénoménal de NeueHouse, l’élégant espace de coworking imaginé en 2013 et parcouru par un esprit club. Aussi impressionnant qu’éclectique, le portfolio de l’agence souligne parfaitement l’extrême diversité de la ville, de ses quartiers et de ses cultures, à coups d’espaces « chorégraphiés », de subtiles gammes de couleurs et d’audacieux mélanges de matériaux, allant du plus précieux au plus trivial.
Plus qu’un style, donc, une palette d’ambiances, à l’instar des scènes de théâtre de Broadway (sa première passion) pour lesquelles il conçoit également des décors. Partir sur les traces des restaurants new-yorkais signés Rockwell Group est un véritable jeu de piste urbain, sociétal et culinaire, d’Avra (un restaurant grec très chic juste en face de Barneys) à Vandal (une célébration de la cuisine de rue dans un immense espace confié à des street-artistes, dont Obey et Hush, pour rendre hommage au passé rebelle de Bowery) en passant par Maialino (une trattoria romaine qui se serait invitée à Gramercy Park) ou la future nouvelle adresse de cette institution qu’était l’Union Square Cafe, voisin de l’agence. David Rockwell y avait d’ailleurs sa propre table (la 36) depuis des années. Mais le restaurant qui l’a propulsé, en 1994, sur le radar des gourmets, est assurément Nobu TriBeCa, le temple de la cuisine japonaise réinventée par le célèbre chef Nobu Matsuhisa.
Créateur en série
De nombreux autres Nobu ont suivi, à New York ou ailleurs. Tous unis et tous différents, avec toujours une place de choix offerte aux matériaux naturels : inclusion de bambou dans le terrazzo et panneaux muraux en fibres d’abaca tissées (Nobu 57) ou sculpture en écorce de bois brut façon calligraphie japonaise XXL pour le futur Nobu 195 Broadway qui s’apprête à ouvrir dans une ancienne banque classée monument historique du Financial District.
Un quartier que David Rockwell connaît bien pour y avoir installé, pendant onze mois, en 2001, la World Trade Center Viewing Platform. Plus proche de la guérilla architecturale que des hôtels haut de gamme branchés dans lesquels il excelle – où l’on aurait tort de l’enfermer (dont le récent et très réussi New York Edition conçu avec Ian Schrager) –, ce projet, dont l’objectif était de permettre aux New-Yorkais d’avoir un accès visuel au site de Ground Zero interdit au public, avait alors été mené en collaboration avec Diller Scofidio + Renfro.
Aujourd’hui, les deux agences développent de concert la structure coulissante du centre culturel The Shed, au cœur du nouveau gigantesque complexe immobilier Hudson Yards qui se déploie à l’extrémité nord de la High Line. « The Shed est la seule nouvelle institution culturelle construite “from scratch” (à partir de rien) à New York depuis le Lincoln Center », précise avec un zeste de fierté compréhensible David Rockwell. Car pour lui, c’est une certitude et une mission : « L’architecture doit permettre avant tout de créer des opportunités de dialogue. »