Couvent des Minimes : l’incroyable rénovation verte d’un hôtel de luxe

Le Couvent des Minimes, hôtel emblématique des Alpes-de-Haute-Provence s'est donné un coup de jeune avec comme contraintes le respect du lieu, évidemment, mais aussi la durabilité. Entretien avec son architecte, Anthony Micoud.

Après trois ans de travaux, le Couvent des Minimes, à Mane, dans les Alpes-de-Haute-Provence, a terminé sa métamorphose. Outre qu’il offre désormais un confort et un service 5-étoiles en plus d’un spa de 2500 m2, le lieu, restauré et étendu sous l’impulsion de son propriétaire, L’Occitane, est surtout un formidable exemple qui prouve combien un projet écologique se fonde sur le respect de l’histoire et les spécificités – ici méditerranéennes – du territoire. Pour mieux le comprendre, nous avons rencontré Anthony Micoud, architecte chargé du projet à l’agence suisse DePlanta. Ou comment l’inventivité des hommes de l’art associe industrie, ingénierie, artisanat et surtout, intelligence collective.

IDEAT : Comment avez-vous concilié les règles de la durabilité avec les exigences spécifiques du luxe, a priori synonyme de débauche de moyens et de services ? 

Anthony Micoud : En effet, luxe et durabilité sont souvent durs à concilier, que ce soit dans les exigences ou dans les habitudes. Dans notre démarche, nous avons dans un premier temps été attentifs au côté « durable » du couvent, mais durable dans le sens de sa fonction dans le temps. Dans notre engagement à préserver l’intégrité du lieu, il nous est apparu comme une évidence que nous devions revenir aux sources et rétablir la typologie d’origine, c’est-à-dire telle qu’elle a été dessinée pour un couvent, avec les circulations dans le cloître, à la seule différence près que les cellules des religieux deviendraient de grandes chambres et des suites, disposant toutes d’une vue sur le paysage environnant.

Métamorphosée, l’église quant à elle s’est transformée en une majestueuse porte d’entrée, marquant l’accès à un hôtel empreint de sens et d’histoire. Que ce soit pour la rénovation du couvent ou la construction du spa, nous avons opté pour le luxe de la main : l’artisanat local, des matériaux naturels, une juste orientation des espaces, des protections solaires naturelles. Toute cette réflexion nous a justement permis d’éviter cette débauche de moyen sur la domotique ou autre « gadget » à la mode.

Y a-t-il eu des arbitrages difficiles, des choix qui ont influencé le concept (capacité globale d’accueil, nombre de piscines, circulation…) ? 

Cette remise en question de la typologie a réduit la capacité d’accueil du couvent de 46 à 26 chambres, mais offre une qualité spatiale et lumineuse. La restauration du couvent a été faite en collaboration avec des archéologues qui nous ont également permis de restaurer des fresques exceptionnelles cachées sous les différentes couches d’enduits et de peintures. Cette connaissance du lieu a été primordiale pour nous, afin de comprendre l’histoire du bâtiment et nourrir notre projet.

Votre projet a obtenu le label BDM. Une première pour un projet de ce type. L’installation des 43 sondes géothermiques qui assurent diffusion de chaleur et d’eau chaude sanitaire est en effet impressionnante…

Nous avons dû détruire un bâtiment qui était désaffecté depuis plusieurs années pour y construire le spa. Nous en avons profité pour récupérer les pierres pour les utiliser dans la rénovation mais aussi les déblais lors de la construction du spa. L’obtention d’un label pour du luxe (en tout cas pour le BDM) est en effet une première car il n’existe même pas de catégorie de notation pour ce type d’objet de luxe. Nous avons donc été notés sur les mêmes contraintes que les immeubles. Nous avons fait des choix qui ne sont pas toujours en adéquation avec certaines « aberration » du luxe, notamment sur les températures des climatisations été/hiver, les températures des bassins, les périodes de chauffe et d’ouverture…

Comment avez-vous choisi vos matériaux à la fois pour la rénovation du couvent et pour la construction du spa?

Nos recherches concernant l’utilisation des matériaux ont été guidées par une intention profonde : créer un dialogue entre l’héritage et le projet contemporain afin d’assurer une intégration empreinte d’harmonie et d’équilibre. Cependant, le choix des matériaux ne s’est pas limité à une simple harmonie « esthétique ». Il s’agit également d’une question de respect de l’environnement et de la culture locale. En utilisant des ressources provenant de la région, nous contribuons à l’économie locale et renforçons le lien entre le projet et la communauté qui l’entoure. C’est pourquoi nous nous sommes orientés vers l’artisanat, le savoir-faire local, vers ces entreprises françaises du patrimoine vivant qui façonnent à la main. Utilisation de béton bas carbone pour l’intégralité du spa, utilisation de chêne naturel, isolation biosourcée, peinture naturelle, pierre massive locale…

Quelle a été l’implication de votre agence dans l’architecture d’intérieur et les choix décoratifs ? 

Notre bureau d’architecture a fait l’intégralité de l’architecture et de la décoration. Du tressage des tapis au dessin des luminaires, de la création de mobilier au choix des tableaux, en passant par la peinture, les matières, les textures… Nous avons fait se travail en adéquation avec les valeurs de la maison qui est parfaitement représenté par Fabien Piacentino, le directeur de l’hôtel. Nous avons mis en valeurs ce patrimoine au cœur de la Provence. L’intégration de ces matériaux locaux permet de créer un équilibre visuel et conceptuel. Le couvent acquiert une nouvelle vitalité en se mariant avec les extensions, dans un langage architectural cohérent. Les nouvelles formes s’intègrent en douceur, tout en apportant une touche de modernité qui dialogue harmonieusement avec le passé.

Quels ont été vos rapports avec les paysagistes Philippe Pourrière (Nature & Paysage) et Etienne Voiriot (Territoires) ?

Le rapport au paysage a été très important, notamment par la puissance de ce site et des restanques, classées au patrimoine Français. Les jardins, promenades, parcours, odeurs, sont très importantes dans ce type de lieu. Nous nous sommes fixé une contrainte en début du projet : limiter au maximum l’utilisation de l’eau. C’est un choix de raison aujourd’hui à la vue des restrictions que nous avons déjà, mais il est surtout pour le futur. Nous avons alors travaillé sur des jardins secs, avec des revêtements minéraux et des essences méditerranéennes qui ne demandent que très peu d’eau, mais qui adorent le soleil de Provence. Nous avons plantés 11260 végétaux dans ce site !

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Le couvent des Minimes Hôtel & Spa L’Occitane. Chemin des Jeux de Maï, 04300 Mane.
Tél. :+33 4 92 74 77 77. Reservations@cdm-hotelspa.com
deplanta-architectes.ch/