Passer les portes de l’hôtel Molitor, c’est un peu entrer dans l’histoire. Celle du tennis, d’abord. En ce mois d’octobre, le bruit des balles de tennis frappées par Rafael Nadal et Novak Djokovic résonne encore dans les couloirs. Des hublots, on se perd dans les échanges des apprentis tennismen qui s’écharpent sur les courts voisins. Du rooftop, on imagine le Philippe-Chatrier en liesse pendant le match d’un jeune espoir français tenant tête à une tête de série. Sur les murs de l’hôtel, on se remémore les grands moments du tournoi grâce à une sublime exposition de photos. Mais la légende s’écrit ailleurs.
Remontons dans le temps. La piscine la plus célèbre de Paris ouvre ses portes en 1929. Pendant près de soixante ans, son ambiance avant-gardiste séduit le gotha qui vient y faire ses brasses et danser le week-end. En 1989, le lieu ferme ses portes puis est classé aux Monuments Historiques. Il est ensuite rapidement investi par la scène underground qui en fait un haut-lieu de la fête et du street-art. C’est finalement en 2014 que la légende Molitor renaît, après plus de trois ans de travaux, sous l’égide d’AccorHotels et de la société Colony Capital et de la marque MGallery.
Les vestiges du passé sont toujours là. S’il y règne une atmosphère très chic, le street-art n’est jamais loin. Des 78 cabines de la piscine d’hiver, customisées par des artistes urbains du sol au plafond, en passant par la somptueuse Rolls-Royce Corniche taguée par JonOne qui trône dans l’entrée, Molitor fait dialoguer les époques et les styles. La nouvelle vie du monument historique a été imaginée avec le concours de pas moins de quatre architectes. En charge des aspects historiques, le cabinet Perrot et Richard a notamment mené une véritable enquête pour retrouver les couleurs, les dimensions, les signalétiques et les matières originelles utilisées par l’architecte originel, Lucien Pollet. Quant à Jacques Rougerie pour les bassins, le cabinet Derbesse pour la coordination des travaux et la création des étages dédiés aux chambres et Jean-Philippe Nuel à la baguette de l’architecture intérieure, tous ont accordé leurs violons pour rendre hommage au Molitor de 1929.
De retour en 2020, Molitor n’a rien perdu de sa superbe. Il s’est même imposé comme l’un des clubs sportifs les plus courus de la capitale, où l’on croise des politiques et autres étoiles cathodiques en conciliabule dans les discrets couloirs de l’hôtel. Le lieu est aussi devenu un véritable rendez-vous pour les voyageurs de passage. Mais ça, c’était avant le virus. Pour se réinventer et convaincre les Parisiens d’affronter les affres de la ligne 9 ou du trafic de la Porte d’Auteuil, Molitor mise désormais sur sa cuisine.
Pour hisser sa table au rang d’adresse de destination pour gourmands exigeants, Molitor a fait appel au chef d’origine allemande Martin Simolka. Passé par le Shangri-La et le George V, mais aussi et surtout par le Peninsula, où il officia en tant que premier sous-chef de Christophe Raoux, ce Parisien de cœur exilé depuis presque quinze ans met dans ses assiettes la même rigueur avec laquelle il a été formé. Si la carte ne fait pas de mystère dans ses intitulés, la surprise arrive dans l’assiette. Impeccablement dressées et travaillées en fonction de la saison, celles-ci mettent au premier plan le produit, toujours issu de l’agriculture biologique ou d’un élevage responsable. Un généreux pavé de cabillaud cuit vapeur, une belle entrecôte montbéliarde maturée, un potager coloré… Le tout accompagné de saveurs anciennes – risotto d’épeautre, pain noir pour le croque à la truffe – et de touches asiatiques. La cave, quant à elle, étonne, puisqu’elle se compose désormais d’une large sélection de vins natures et biodynamiques, un choix assumé par le chef qui souhaitait que ses quilles s’accordent à ses assiettes écolos.
> Hôtel Molitor. 13, rue Nungesser et Coli, 75016 Paris. Réservations.