IDEAT : Comment s’est mise en place cette collaboration avec Yo2 ?
Alain Gilles : La rencontre a été activée par l’agent commercial de Bonaldo (éditeur italien de mobilier contemporain, NDLR), qui se trouvait à Chypre, où est basé Georgios Liatsos, le directeur général de Yo2. Ce dernier aimait mon travail et m’a sollicité. Nous ne nous sommes jamais vus, tout s’est fait à distance et très vite, puisque les premiers contacts ont été établis en octobre 2020.
IDEAT : Ce sont vos premiers pas dans le monde du tapis. Était-ce une envie spécifique ?
Alain Gilles : J’aime ouvrir des portes vers d’autres univers, prendre des risques pour ne pas me répéter ou m’autoplagier. Mon travail est souvent basé sur la perception des objets, sur leur aspect changeant, sur le mouvement… C’était intéressant d’explorer cela à travers ces trois modèles, Hole, Mosaique et Stacked-Up, car ce sont des tapis imprimés et cette technique permet aisément de « traduire » une intention graphique.
IDEAT : D’où provient donc votre inspiration concernant ces créations ?
Alain Gilles : Je ne suis pas un graphiste, je suis un « faux graphiste ». J’ai grandi avec des BD, comme Tintin ou Blake et Mortimer, et leurs univers colorés, parfois très décalés, m’ont inspiré. Je fais beaucoup de photographies d’éléments, de détails qui nourrissent ma réflexion. Mosaique par exemple est un jeu sur la perception, avec des motifs graphiques qui se superposent, volontairement imparfaits.
IDEAT : Hole aussi joue avec nos sens…
Alain Gilles : C’est un travail de perspectives, dont j’assume qu’il ne fonctionne pas sous certains angles. J’ai voulu proposer un tapis qui joue lui-même avec la représentation du sol, avec des lignes dessinées à la main et un trou qui vient se superposer dessus. Tout cela a quelque chose de totalement feint, mais d’absolument revendiqué.
IDEAT : Quelle était l’intention avec Stacked-Up ?
Alain Gilles : L’idée émerge là encore d’une image, celle de tôles ondulées empilées. Ces objets qui n’ont aucune valeur deviennent ici comme un élément du patrimoine industriel. Il y a quelque chose d’assez ironique à détourner ainsi ces éléments de construction pour en faire un objet de décoration. J’ai aussi été saisi par la douceur de l’ondulation, par la richesse qu’elle apporte sous l’effet de la superposition.