Qui l’eut cru ? Le bureau leur a manqué. Alors que le télé-travail est devenu une norme, Vitra, à contre-courant, a cherché à repenser le bureau. Si l’idée de pianoter sur son clavier depuis un canapé a longtemps été séduisante, l’éditeur suisse, au travers de ses recherches, s’est rendu compte que l’acte physique de retourner sur son lieu de travail s’avérait essentiel pour beaucoup de ses collaborateurs. Conversations informelles, échanges d’idées, résolutions de problème… Le bureau est et demeure un espace de socialisation.
Alors, plutôt que d’abandonner la typologie du bureau au profit de l’adaptation de la vie professionnelle à la vie personnelle, Vitra bouscule les lignes et introduit son Club Office, une modélisation inédite de l’espace collectif de travail. Mis à l’épreuve au sein même des headquarters de l’éditeur suisse, à Bâle, et depuis le mois de septembre dans son showroom parisien, Club Office s’appuie sur les conclusions de quinze mois de travail à distance. Concrètement, Vitra a repensé le séquençage de ses espaces, les découpants par usages et non par équipes, à l’aide des produits de son catalogue.
La génèse du néo-bureau
« L’année écoulée nous a appris, au sein de la R&D, que si certaines tâches peuvent être réalisées à distance, nous avons besoin de nous réunir autour des produits et d’en discuter de vive voix : nous sommes une équipe créative, motivée par l’aspect et la sensation des produits et des matériaux » explique Christian Grosen, Chief Design Officer chez Vitra. En automne 2020, il charge le Consulting & Planning Studio de la marque de créer un nouvel espace mieux adapté au travail de son équipe. C’est le début de la réflexion de Club Office…
Vitra a toujours utilisé ses propres bureaux comme un champ d’expérimentation, un lieu où tester concepts et produits et traduire les expériences qui en résultent en améliorations et en nouvelles idées. Ainsi, l’éditeur entreprend de construire sur son site de Bâle son premier Club Office, un bureau remodelé pour répondre aux besoins de ses collaborateurs post-pandémie.
L’idée de Club Office est de découper l’espace collectif en trois secteurs : le public, le semi-public et le privé. Ces parties sont dédiées à des phases de travail spécifiques et accessibles en fonction de son rôle. En s’appuyant sur la richesse et la diversité de son catalogue de produits, Vitra destine à chaque secteur certains modèles éprouvés, dont quelques-uns remis à jour pour s’ancrer dans leur époque.
« Accepter d’être dérangé »
Le Club Office s’ouvre sur l’espace public. Celui-ci est accessible à chacun, qu’il soit employé, collaborateur ou même visiteur. Sa mission première est de renforcer le lien social et de créer des rencontres informelles. On y trouve par exemple une large table de travail, le modèle Join par Erwan et Ronan Bouroullec, à laquelle s’assoir uniquement si l’on accepte d’être dérangé. « Je commence parfois mes journées dans l’espace public afin de signifier à chacun que je suis disponible à la discussion mais aussi ouverte à partager un café » indique Karin Gintz, directrice des ventes de Vitra France, l’une des premières usagers du Club Office installé dans le showroom parisien de la marque.
L’Alcove, modèle lui-aussi dessiné par les frères Bouroullec, l’un des long-sellers de la marque, offre à la zone publique un cocon plus isolé. Cet « espace dans l’espace » est particulièrement propice aux courtes réunions à deux ou aux appels téléphoniques, grâce à son système de panneaux acoustiques. Parce que le bureau est en pleine mutation et que ses nouvelles règles ne sont pas encore écrites, Alcove se dote cette année de roulettes afin de permettre à qui le voudrait de déplacer ou de réagencer les canapés et ainsi permettre à l’espace de se réinventer à l’infini.
Club Office, mi-privé mi-public
La deuxième zone est celle du semi-public, là où les workshops se tiennent entre collègues mais aussi en présence d’invités, clients ou prestataires. On entre ici dans un espace de travail plus formel où la réunion ne se fait pas au hasard. Ainsi, tout est fait pour faciliter les échanges et la créativité des groupes.
Le Dancing Wall illustre cette agilité du travail. Cette cloison mobile peut être équipée suivant différentes configurations : comme étagère, meuble TV, vestiaire, mur végétal ou comme séparateur de pièce avec tableaux blancs et tableaux d’affichage amovibles. Montée sur roulettes, elle se déplace facilement et répond aux mêmes objectifs que l’Alcove. La table Tyde dans sa version 2 — plus légère et plus rapide — équipe quant à elle de nombreux espaces semi-publics, afin de permettre le travail debout, préconisé en alternance avec la position assise afin de favoriser le mouvement et prévenir les maux de dos.
Le bureau individuel n’est pas révolu
Parce que la concentration est un élément clé de la réussite au travail, le système Club Office dédie sa troisième et dernière zone au privé. En flex-office, c’est-à-dire sans bureau attitré, les collaborateurs sont libres de s’installer où ils le souhaitent. Seuls les « résidents de l’espace de travail », collaborateurs qui travaillent en permanence sur place en raison de la nature même de leur activité ou parce que leur situation personnelle n’est pas propice au travail à domicile, sont titulaires d’un bureau attitré. En partant de l’espace de travail, chaque collaborateur mobile est invité à déposer ses affaires dans son casier fermable par code afin de permettre à ses collègues de s’installer sans problème sur un bureau précédemment occupé.
Enfin, Vitra intègre bien sur le télé-travail à sa réflexion. L’éditeur fournit à ses employés une Locker Box (Konstantin Grcic, 2021), à la maison et au bureau, pour faciliter le rangement et le déplacement de leurs outils de travail.
« L’utilisateur a le pouvoir de son espace ». Cette citation de Ronan Bouroullec à propos de l’ajout de roulettes à Alcove résume l’essence du concept de Club Office : une réflexion évolutive qui cherche à optimiser le travail de demain.
> Showroom Vitra. 5 Rue Boudreau, 75009 Paris.