Lille a ce charme magnétique des villes que l’on n’oublie pas. On aime y revenir, pour ses briques, son énergie populaire, ses ruelles pavées et sa scène créative toujours en effervescence. 48 heures pour sentir battre le cœur lillois – une escapade parfaite pour un week-end à Lille placé sous le signe du design et du patrimoine.
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Dormir dans une ancienne banque Art déco
À peine sorti du train, on pose ses valises à L’Hôtel & Spa Oceania Les Augustins (37 Rue du Molinel), l’un des plus beaux hôtels de Lille, à seulement 4 minutes de marche. Ouvert par le groupe Oceania Hotels, ce tout nouvel établissement occupe l’ancien siège de la banque Scalbert-Dupont (1929), témoin du patrimoine Art déco que la ville chérit tant.


Verrière monumentale, marbres polis, ferronneries restaurées : le décor s’ouvre aujourd’hui sur 87 chambres sobres, élégantes, pensées pour un confort contemporain. Au rez-de-chaussée, l’ancien hall de guichets a trouvé une nouvelle vie. Le bar, ovale comme la verrière en cul-de-bouteille d’origine, qu’il prolonge, est devenu un lieu de rendez-vous à toute heure : café matinal, jus pressé, bière locale ou créations du chef barman Nicolas Perez, qui compose des cocktails précis et audacieux.
En cuisine, Jayson Clément célèbre une cuisine centrée sur le produit, simple et fraîche, qui mériterait un écrin plus chaleureux. Et puis il y a ce secret bien gardé : au sous-sol, l’ancienne salle des coffres a été reconvertie en piscine.
Lille, capitale de la brique et du détail
Ensuite, direction le beffroi de l’Hôtel de Ville. Avec ses 104 mètres de briques rouges Art déco classés à l’Unesco, il s’élève comme un phare urbain, repère immanquable pour s’orienter dans la cité. À quelques pas, sur le boulevard de la Liberté, les Bains lillois offrent une halte pour les amateurs de belles façades : colonnes en marbre rose et portique monumental rappellent l’élégance des édifices publics de la Belle Époque.


Passage obligé sur la Grand-Place et l’immanquable Vieille Bourse, chef-d’œuvre de la Renaissance flamande, avant de s’enfoncer dans le dédale des rues pavées pour rejoindre l’Huîtrière qui captive avec son décor marin de mosaïques et de poissons sculptés. Classé monument historique, ce joyau Art déco abrite désormais la boutique Louis Vuitton.
Entre pignons flamands et hôtels particuliers du XVIIe siècle, le shopping prend des allures de balade architecturale. Au gré des échoppes, la toute première adresse lilloise de Bonsoirs (39 rue Basse) attire grâce à son espace doux et épuré pensé comme un appartement, où l’on caresse draps en percale ou lin lavé et serviettes moelleuses. Après LA halte incontournable chez Meert (25-27 Rue Esquermoise), on remonte vers la place Louise-de-Bettignies, l’une des plus jolies du Vieux-Lille avec ses façades colorées et ses terrasses animées. C’est d’ailleurs ici que Make My Lemonade (11 Pl. Louise de Bettignies) vient de poser son échoppe pop et joyeuse, signée par les architectes Clémence Orsini et Clément Daventure.



Et comme flâner ouvre l’appétit, cap sur La Brasserie Campion (32 Rue Lepelletier), dernier né du groupe La Nouvelle Garde. Le décor, signé B3 Designers et Dorénavant Studio, marie banquettes confortables, verrière lumineuse et esprit estaminet revisité. À la carte, plats canailles et recettes du Nord – de la carbonnade à la tarte au sucre – trouvent un écho dans une cave fournie. Le soir venu, on file au Dandy (40 Rue des Bouchers), pour un cocktail élégant servi dans une atmosphère feutrée, parfait contrepoint à l’agitation des pavés alentour.
Wazemmes, le quartier créatif aux faux airs de Camden
Ancien faubourg ouvrier devenu quartier métissé, Wazemmes a gardé ses façades de briques rouges, ses graffitis, ses troquets et son esprit bohème. On y va pour les expos de la Maison Folie (70 Rue des Sarrazins), une ancienne usine textile, mais aussi pour ses halles couvertes du XIXe siècle (25 Pl. Nouvelle Aventure), qui accueillent jusqu’au 9 novembre une installation de kakémonos conçu par le collectif Mots voyageurs initié par le designer graphique Malte Martin. On y fait ses courses de produits frais et on y déjeune sur le pouce : huîtres ouvertes à la minute, couscous fumant, tapas ou assiettes de fromages à partager autour d’une bière locale. Une expérience simple et conviviale, à l’image de Wazemmes.


Et puis il y a deux adresses à noter pour les amateurs de design et de musique. Jour de Pluie (183 Rue Léon Gambetta), ouvert par Marie Fabiszak, qui sélectionne le meilleur du mobilier vintage des années 50 à 80, fauteuils scandinaves, lampes italiennes, pièces patinées et durables.
Bohême Records (221 Rue Léon Gambetta), à quelques pas, empile vinyles de jazz rares, funk et rock indé dans une atmosphère détendue où l’on peut fouiller des heures, écouter et discuter. En chemin vers Wazemmes, on emprunte la rue de Fleurus pour admirer la façade Art nouveau de la Maison Coilliot conçue par l’architecte Hector Guimard, celui qui a dessiné les bouches du métro parisien.
Lille côté savoir-faire
Au Bazaar Saint-So (292 Rue Camille Guérin), ancienne gare de marchandises reconvertie en ruche culturelle, le duo Bello et Bello a installé ses fours et ses pigments. Jade Ladeyn, directrice artistique et sœur du chef Florent Ladeyn, imagine les lignes et les atmosphères ; Maxime Blanchet, designer-céramiste, façonne les volumes, joue des moules et des émaux. Leur univers rétrofuturiste brouille les frontières entre artisanat et studio de design : appliques et lampes naissent d’une modélisation 3D avant de retrouver, sous la main et la matière, l’imprévu et la sensualité de la céramique.

Dans le quartier de Moulins, deux ateliers incarnent à leur manière l’excellence du savoir-faire lillois. Chez Alexandre Labruyère (46 bis Rue Bourignon), le bois est roi. L’ébéniste sculpte tables, bancs et objets utilitaires comme de véritables pièces d’art, privilégiant des essences issues des forêts des Hauts-de-France. Lignes tendues, formes épurées, surfaces satinées : ses créations, déjà remarquées à la Paris Design Week, conjuguent rigueur minimaliste et chaleur artisanale.
À quelques rues, Jean Laumet (57 Rue de Valenciennes) perpétue quant à lui la technique du denim à l’ancienne. Ex responsable de l’atelier de retouche Levi’s Toronto, formé aux Beaux-Arts de Valenciennes, il œuvre sur des machines centenaires – une surjeteuse Singer de 1917, une boutonnière Reece 101- pour restaurer des pièces vintage, réaliser des ourlets chaînette ou encore confectionner jeans et vestes sur mesure. Travaillées dans des toiles japonaises ou françaises, ses pièces respirent l’attachement aux gestes justes, loin de la fast-fashion.
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