Cette monographie est née de l’idée que nous n’avions jusqu’alors qu’une vision parcellaire du travail de Charlotte Perriand. Quel est le fil conducteur de ses soixante-quinze années de carrière ?
La plupart des gens ne connaissent que les années 50 et ont oublié qu’elle avait imaginé du mobilier à base de tube métallique dès 1928. Dès la fin des années 20, Charlotte Perriand a été tour à tour célèbre puis oubliée. À travers cette monographie exhaustive, j’ai voulu prendre la mesure de l’épaisseur de son œuvre. Depuis dix ans, je mène une véritable activité archéologique en me plongeant dans diverses archives. Le fil conducteur est son engagement social, l’énergie qu’elle a déployée pour inventer et développer la modernité pour tous. Sa carrière est définitivement ancrée dans le XXe siècle ; elle a toujours anticipé et suivi l’évolution du monde.
Mais la fonction de ses projets s’accompagnait aussi d’une grande sensibilité aux arts ?
Outre une fonction bien précise, Charlotte tenait à apporter une sensibilité et une culture dans son travail d’architecte d’intérieur. Elle a notamment mis en lumière Julio Le Parc, sculpteur et peintre argentin, alors totalement inconnu.
Vous travaillez sur le quatrième tome consacré à la station de sports d’hiver des Arcs. Une phase essentielle de sa carrière ?
La grande spécialité de Charlotte, c’était l’architecture pour le loisir. Selon mes sources, avec Les Arcs, elle a été la première femme à imaginer l’urbanisme complet d’une ville, même si c’est une station de ski. Elle avait mûri ce projet dès les années 30 lorsqu’elle a eu l’idée d’une résidence à la montagne en multipropriété. Hélas, quasiment toute son architecture d’intérieur a disparu… Sauf dans les livres !
Au fil des pages se dessine aussi le portrait d’une infatigable créatrice…
Charlotte était dans l’invention permanente. Six mois avant sa mort, elle organisait toujours la scénographie de son exposition au musée Fernand Léger de Biot (Alpes-Maritimes). Toute sa vie, elle a évolué en restant fidèle à ses idéaux.