Au nord, dans le secteur 1, émerge la tête : le complexe du Capitole, dessiné et bâti par le maître. Ce centre politique et administratif lui a demandé plusieurs années de travail, entre le palais de justice ou Haute Cour (1955), le palais des ministères dit « le Secrétariat » (1958) et, enfin, le palais de l’Assemblée ou Vidhan Sabha (1962). Ponctuant l’espace, le monument des Martyrs de la partition, la tour des Ombres – qui est un brise-soleil géant –, la Colline géométrique – conçue comme un calendrier solaire – et les 14 mètres de haut de la célèbre Main ouverte en bronze, cadeau de Le Corbusier à la ville.
À l’origine piétonnière et publique, l’esplanade du complexe du Capitole s’est en partie transformée en parking pour les voitures officielles des juges gardées par un planton armé d’une kalachnikov. Le touriste y découvre en premier lieu la majestueuse Haute Cour à la silhouette symétrique et horizontale. Coiffée d’un pare-soleil rehaussé d’arches élancées qui guident les vents, elle se pare de jaune, de rouge, de vert. Allergique aux escaliers, Le Corbusier a installé une rampe en ellipse qui dessert les coursives semées, au sol, de sequins de soleil.
En contrebas se dresse une arène dont l’acoustique parfaite est souvent testée par les rares touristes ! Dans le hall, la plus grande (144 m2) des neuf tapisseries réalisées par Le Corbusier à Chandigarh est, hélas, percée de nombreux climatiseurs. Faisant face à la Haute Cour, la Vidhan Sabha (l’Assemblée) réunit les législatures du Panjab et de l’Haryana. Elle est fermée aux non-initiés, qui peuvent néanmoins admirer l’ossature extérieure ornée d’une houppe de béton, la scansion de baies protégées de brise-soleil, le bassin et la porte monumentale où le maître a peint un malicieux éden multicolore. Chèvre, cheval ou coq y incarnent des membres de son équipe. Au visiteur de deviner qui est le corbeau…
Puis, une passerelle rejoint le Secrétariat en béton brut flanqué de meurtrières penchées : 240 mètres de long, 50 mètres de haut, c’est un édifice spectaculaire. Les bureaux sont bouchés, peinturlurés, les mosaïques des sols arrachées. Une rampe douce permet aussi d’atteindre le Parlement où, surprise, ne manque pas un fauteuil, pas un bureau, pas une tribune d’époque. Dans le salon cossu, des députés sikhs discutent sous le portrait de Nehru, alors que le toit-terrasse offre une bouffée d’oxygène à l’armée de fonctionnaires.