Beauté méconnue de la Chine du Sud, Canton n’a étrangement jamais gagné ses galons de plateforme touristique. Son essor a démarré en 714 sous la dynastie Tang, qui ouvre alors cette unique porte commerçante maritime aux étrangers, notamment aux Arabes et aux Perses. La cité en garde aujourd’hui encore la marque, affichant un esprit ouvert et tolérant unique dans ce pays, et des vestiges vieux de 2 200 ans, même si elle préfère mettre en avant un présent plus… vertical. Côté paysage, Canton peut se vanter d’autoroutes bordées de forêts d’eucalyptus et de parterres fleuris soignés par des milliers de jardiniers. Sous le ventre de ponts routiers s’épanouissent jardins et potagers communautaires, tandis qu’en ville subsistent encore des champs de bananiers. Arrosée par le delta de la rivière des Perles, cette jungle subtropicale colonise en douceur les rues rafraîchies d’élégants banians, traversées de passerelles piétonnes noyées de plantes grimpantes.
Côté fleuve, une constellation d’îles vierges s’égrène – dix seulement sont habitées, dont la très chic Ersha. À l’est du centre-ville, la nature colonise jusqu’au Guangdong Science Center, dont les ondulations blanches signées du cabinet américain Steffian Bradley Architects (SBA) se déploient à la pointe de Xiaoguwei Island. Ce musée s’invite dans les 150 hectares du très chic campus universitaire, lui aussi replié dans son étui d’émeraude. Enfin, sur les berges, deux aspects de Canton se font face : l’ancien et le contemporain, desservis par d’innombrables ferries qui, de quai en quai, offrent une vision superbe jusqu’aux collines épargnées par l’urbanisation.
Certes, Canton n’est pas parfaite. De vieilles industries défigurent ses abords immédiats et son esthétique contemporaine fait parfois hausser le sourcil. Par exemple, ce cercle doré sur tranche commandé par un groupe pétrochimique à l’architecte milanais Joseph Di Pasquale : 138 mètres de hauteur, 50 millions d’euros. Et que dire de cette enclume noire anguleuse en bord de fleuve ? Il s’agit de l’hôtel Langham Place, dont le lobby, désert et inhumain, pourrait abriter dix Boeing ! Le factice fait également fureur ici, avec des maisons paysannes ou des temples reconstitués tels des jouets paysagers. Enfin, on peut aussi détester les nœuds autoroutiers qui s’enroulent comme des boas au-dessus de nos têtes.