Quand on pense design du XXIe siècle, on parle ici de mobilier haut de gamme. « Pas de marque, pas de vintage, pas de craft », ajoute dès l’inauguration de Collectible Liv Vaisberg, sa co-fondatrice. De sa part, c’est plutôt un constat qu’un parti-pris féroce. La preuve, l’éditeur de design italien Giobagnara – une marque donc – exposait une sélection de produits signés Stéphane Parmentier dans l’esprit de la foire. Leur espace voisine avec celui de Paulin, Paulin, Paulin où Benjamin et Alice du même nom reçoivent pour montrer leurs nouvelles éditions du mobilier de Pierre Paulin, sans pièce vintage donc ! Une démonstration magistrale de l’actualité de l’univers du designer, détaché de son étiquette « années pop ».
Sur Collectible, il n’y a pas non plus de craft, cette idée de l’artisanat moqué en mode macramé et aujourd’hui remis en valeur par les makers. Même si dans les étages, à l’espace de la galerie Maniera, le grand tapis-tapisserie Mask Swiss de Christoph Hefti, véritable icône de la foire, est une brillante manifestation de fait-main en laine et soie. Ce grand masque textile expressif et drolatique exprime bien, accroché au mur, la liberté de style ambiante. Les co-fondatrices de Collectible, Clélie Debehault et Liv Vaisberg réunissent ici un continuum de propositions incroyables.
Bien qu’on soit à Bruxelles, ville où les collectionneurs fortunés abondent, le prestige de cette seconde édition ne sécrète pas de snobisme. Pour le prix d’une soirée au théâtre, Collectible lève le rideau sur un monde de sensations. Le visiteur enregistre des émotions, des surprises, aux prises avec une réflexion générale sur cette zone grise entre design et art. A la galerie belge Victor Hunt, la question est réglée : le designer français Julien Carretero y expose par exemple des éditions limitées de ses suspensions Drag 2, aussi expérimentales qu’imaginables qu’au quotidien.
Chez les Français de A1043, les Protected vases de David Dubois déroutent avec leur peau parée de tissu imprimé, le tout soigneusement enroulé de film plastique ! A plusieurs reprises, au fil des différents étages de la manifestation regroupant une centaine de galeries et des designers, jeunes comme confirmés, l’impression frappe. L’esprit de recherche, d’expérimentation, du pas de côté créatif, de même que la nécessité de distinguer sa singularité, le tout sous le regard des media… Tout cela ne pousse pas les exposants à la provocation facile ou l’outrance. Au contraire, la beauté est de mise sans que l’esprit général ne soit au consensus mou.
Lors de l’inauguration, la designer textile Pascale Risbourg expliquait tout sourire comment, avec une application mobile, les miracles de la réalité augmentée animent les motifs de son papier peint d’une version animée de préliminaires polissons. Cela reste aussi léger que la grâce légère des luminaires flottant du français Pierre Charrié chez It’s Great design Gallery. Collectible est ainsi un carrousel, une plateforme dans laquelle la modernité se fait captive.
Collectible pose aussi une question : que l’on recherche du design ou de l’art, pourquoi achète-t-on ? La foire ruisselle de réponses, à utiliser autant qu’à contempler. Au fond, les vases Recto Verso du designer belge Charles Kaisin sont aussi bien des seaux à champagne que des bonbonnières, une fois qu’on les renverse… Et pour 150 €, on entre dans le monde du design de collection.
L’équilibre de la manifestation n’est pas le fruit du hasard. Si l’on circule aussi bien de l’entrée jusqu’aux étages de cet ancien grand magasin de meubles, c’est grâce au studio Verter de Rotterdam. Ses architectes, Claudio Saccucci et Roxane van Hoof, ont optimisé la fluidité des espaces et n’ont pas hésité à utiliser des matériaux de construction bruts en ne les rendant ni ingrats ni austères. Et à l’issue de la manifestation, on pourra en recycler une grande partie. On retrouve un esprit tout aussi éco-conscient dans le faux sable présent dans la section Jeunes designers, scénographiée par l’architecte Sophie Dries. Dès le premier jour de la foire, se pressait dans les allées une foule aux profils très variés. Vu la diversité des pièces proposées, Collectible ne devrait pas avoir de mal à battre son record de fréquentation…
> Jusqu’au dimanche 17 mars à l’Espace Vanderborght, Schildknaapstraat, 50, rue de l’Ecuyer, 1000 Bruxelles. De 12 heures à 20 heures sauf dimanche (19 heures).