Ca ressemblerait presque à un exercice de style… Choisissez une couleur, travaillez-en toutes les nuances, ajoutez-y deux ou trois détails déco bien sentis… Vous avez 3 heures ! Un 20/20 assuré pour Virginie Friedmann, ex-poulain de Michael Malapert, qui signe avec le Bistrot Rougemont une entrée en matière remarquée. C’est elle qui a su convaincre Hugues Barretieri, le maître des lieux, d’inscrire son nouveau restaurant dans la lignée des « néo-bistrots », alors qu’il avait plutôt dans l’idée de faire du traditionnel chic, une belle brasserie qui rendrait hommage à ses assiettes, pas l’inverse. Finalement, cuisine et décoration décrochent chacune la médaille d’or, dans des catégories (très) différentes.
Le vert omniprésent du sol au plafond ne vient pas conter l’histoire d’un nouveau restaurant bio-bo. Non, il résonne tel un hommage à Paris, à ses toits au cuivre oxydé, aux chaises Luxembourg qui trônent dans ses jardins publics… Du vert d’eau à celui de la forêt, chaque teinte est savamment mise en scène : la plus claire sur les murs et au plafond, pour laisser respirer l’espace ; la plus foncée sur les éléments forts de la décoration (les chaises et le bar). Des détails de caractère, eux, sont parsemés ça-et-là, pour ne pas affoler l’œil. Le sol est ainsi habillé d’un sublime marbre blanc de Thassos mélangé à un marbre vert des Pyrénées alors que le mur du fond – celui qui invite les clients encore indécis sur le trottoir à franchir la porte – se pare d’une mosaïque moderne de carreaux de ciment.
La douceur est partout, tout en courbes et rondeurs. Les assises de velours Kvadrat confirment cette impression, alors que le paravent à imprimé végétal créé sur mesure par la designer apporte une touche décalée à l’ensemble. Dans cette jungle urbaine, rien n’est laissé au hasard, pas même les discrètes appliques coniques en laiton qui modernisent les murs des côtés ou les modèles sphériques, qui soulignent la forme du bar tout en faisant de l’œil à la mosaïque.
En parcourant la carte, on croirait se replonger dans un livre de recettes de notre grand-mère. On doit ce beau menu très carnivore au chef Anthony Poussel, passé par les cuisines de l’Elysées et de Cyril Lignac. Les plats s’y annoncent généreux et rassurants, traditionnels avec une touche de modernité. Hugues Barretieri, fidèle au poste tous les soirs (ou presque), vient nous détailler les choix qui s’offrent à nous. Le choix est cornélien, presque cruel, alors que l’on tente d’arbitrer le pulled-pork et sa purée de patate douce et le paleron cuit à basse température. Pourquoi ne pas plutôt craquer sur le tagliata de boeuf au basilic ? L’ensemble des viandes et des légumes, nous dit-on, provient de fermes et élevages locaux, connus personnellement de l’équipe du restaurant. Le tout s’arrosera de vins nature, une tendance grandissante dans les bistrots parisiens.
En bref, le Rougemont est un petit bistrot qui satisfera les amoureux de bonne bouffe et d’écrins bien léchés, le genre d’adresses qui se font de plus en plus rares à Paris, la bonne humeur de l’équipe de salle en prime !
> Bistrot Rougemont. 10, rue Rougemont, 75009 Paris