Catherine Millet
Écrivain, critique d’art et commissaire d’exposition
« Notre rencontre remonte au temps où elle était encore galeriste, dans les années 80. Depuis, j’ai souvent écrit à propos de son travail. Ce qui m’a interpellée, c’est qu’elle était l’une des premières femmes photographes à faire des photos érotiques. Je me souviens de l’audacieuse série « Chambre close », en 1992, pour laquelle elle a choisi ses modèles au hasard dans la rue, leur demandant de la suivre dans une chambre d’hôtel. Elle porte sur les femmes un regard érotique très différent de celui des hommes. Je la trouve très nature, très directe dans sa façon de s’exprimer. La série que j’aime le plus est sans doute « Gender Studies », qui présente des gens en train de changer de sexe, car j’aime quand l’identité est dans un entre-deux. J’en ai d’ailleurs une affiche dans mon bureau. Un jour, j’aimerais la mettre au défi de photographier des hommes très virils. Que serait-elle capable de faire face à un homme très masculin ? »
Jacques Henric
Romancier
« Il me semble avoir rencontré Bettina à l’occasion de la série « Modern Lovers », en 1990. Nous avons, depuis, gardé des liens et je continue d’avoir la plus grande admiration pour son travail. Je partage avec elle un grand amour des femmes. Lacan disait : « On est hétérosexuel quand on aime les femmes, qu’on soit homme ou femme », et Bettina est justement une hétérosexuelle qui aime profondément les femmes. Elle va directement à l’essentiel en photographiant leur corps, qu’elles soient mannequins, actrices, détenues ou anonymes. On dit parfois qu’elle s’est inspirée d’Helmut Newton, mais ce n’est pas vrai, car elle s’intéresse presque exclusivement à la féminité. Au XIXe siècle, on disait que les femmes étaient les seules à avoir un sexe et je crois que Bettina a toujours compris ça. J’aimerais lui demander si elle considère que son regard sur la femme est le même que celui d’un homme. Si c’était le cas, cela prouverait alors ma théorie lacanienne ! »
Linda Pinto
Décoratrice
« J’ai l’impression de connaître Bettina depuis toujours, au point que je ne saurais plus dire quand nous nous sommes rencontrées. Cela remonte à plus de vingt ans. Je suis fascinée par la complexité de son imaginaire, mais aussi par tout le travail, tous les préparatifs que chaque photo implique. Certains clichés ont l’air dur, tourmenté, perturbé, ce que Bettina n’est absolument pas. C’est un esprit libre, elle est belle, indépendante, déterminée, intelligente et c’est aussi une amie fidèle. Son exposition à la MEP était extraordinaire, pleine d’émotion et de provocation. Ç’a été pour moi l’occasion de revoir certaines photos que j’aime tout particulièrement comme celle de Kristin Scott Thomas qui retire sa perruque blonde, celle de Kim, ce garçon qui se vit en fille, mais qui s’est rhabillé en homme pour la photo, ou cet « autoportrait » de la comédienne Valeria Golino. Si j’avais une question pour Bettina, ce serait : par qui aimerait-elle être photographiée ? »
Jean Colonna
Styliste
« La première fois que je suis allé chez Bettina, je ne connaissais rien de son travail. Alors que je m’attendais à découvrir ses portraits, je me suis retrouvé face à la photo d’un pélican empaillé. Une seconde plus tard, je lui demandais si elle accepterait de photographier ma première collection, à la chambre, le procédé utilisé pour la photo du pélican. Ensuite, nous nous sommes revus et je pourrais vous conter quantité d’anecdotes la concernant. Je n’ai jamais posé pour elle, je ne suis pas une héroïne… Je suis juste un ami, mais son regard sur la peau me touche et me trouble. Je pourrais lui demander : pourquoi m’as-tu abandonné dans cette chambre close hantée du parfum d’héroïnes que tous ces genders ne pourront effacer à jamais (en référence aux séries homonymes de l’artiste : « Pourquoi m’as-tu abandonnée ? », « Chambre close », « Héroïnes » et « Gender Studies », NDLR) ? »
BJ Formento
Du duo de photographes Formento+Formento
« J’ai découvert Bettina au milieu des années 80, après avoir quitté mon école d’art. J’adore photographier les femmes et son livre Female Trouble avait fait vibrer chez moi une corde sensible. Bettina a une relation si délicate avec ses modèles, révélant une extraordinaire originalité, une empathie et un sens du style qui magnifient aussi bien toutes les facettes de la féminité que celles de l’érotisme pictural. Nous avons en commun cet amour des formes féminines. Mais je pense que nous sommes très différents dans notre manière de raconter une histoire. Parmi ses photos, celle de Lara Stone est sans doute ma favorite. Bettina est particulièrement douée pour révéler honnêtement ses modèles. Lara est une femme puissante dans le monde de la mode, mais dans ce portrait, Bettina dévoile une facette d’elle que le public ne connaît pas. Et j’adore quand les photographes nous montrent
ce qu’on ignore. Je me demande si Bettina se considère d’abord comme une photographe ou bien comme une artiste. La différence entre les deux est ténue et j’aimerais bien savoir ce qu’elle en pense. »
Jean-Pierre Blanc
Directeur de la villa Noailles
« J’ai eu quelques fois l’occasion de saluer Bettina Rheims, mais notre vraie rencontre n’a pas encore eu lieu. C’est une artiste que j’admire depuis longtemps et je conserve d’ailleurs précieusement son livre Female Trouble qu’un ami m’avait offert au début des années 90. Si je suis si touché par son travail, c’est parce que Bettina se distingue des autres photographes par un regard très personnel, très naturel sur ses modèles. Il y a toujours de la poésie et du romantisme dans ses photos, même quand les sujets traités sont rudes. C’est une artiste très féminine qui incarne la force et la douceur rassemblées en une même personne. J’ai particulièrement aimé son travail avec le styliste Jean Colonna. Comme Jean est un ami, ce sont des images qui me viennent tout de suite en tête lorsque je pense à l’œuvre de Bettina Rheims. J’aimerais beaucoup savoir si elle est sensible à l’esthétique de la villa Noailles et si elle aimerait un jour venir y faire quelques photos. »