Comment est né ce projet un petit peu fou ?
J’étais en train de manger des pâtes en famille et je me suis dit : « Tiens, j’aimerais bien dessiner une pâte. » Ma femme m’a alors proposé de me mettre en relation avec Patrizio Micelli [à la tête de l’agence de communication Al Dente, il commercialise aussi sa propre ligne de pâtes, NDLR]. Je l’ai rencontré et nous sommes arrivés au constat que l’idée de travailler sur de nouvelles formes de pâtes pourrait sûrement intéresser d’autres créateurs. J’ai commencé à en parler à mes amis et tout est allé très vite…
Comment cette exposition s’insère-t-elle dans votre démarche artistique ?
On sait que si une grande marque de sacs à main passe commande à un artiste, c’est le jackpot assuré. Je voulais prendre à contre-courant cette tendance de l’art associé au luxe car on ne peut pas faire plus démocratique que les pâtes. En même temps, comme cet aliment est au départ constitué d’une pâte informe, cela laisse un vaste champ d’investigation. Je me suis ensuite souvenu qu’il y a 25 ans, j’ai passé mon diplôme aux Beaux-Arts avec des dessins de spaghetti… Cela arrive fréquemment chez les artistes : on pense avoir découvert quelque chose de nouveau et on se rend compte qu’on tourne autour de cette idée depuis des années…
Comment avez-vous procédé pour monter ce projet ?
J’ai proposé ce projet à des artistes (Anne Brégeaut), des designers (les Bouroullec, Jaime Hayon, Constance Guisset…), des graphistes, des architectes (Aldrick Beckmann…), des stylistes… En tout, j’ai réuni 80 créateurs de différents champs mais bizarrement un seul cuisinier ! J’étais parti sur l’idée de donner à tous comme brief de départ les contraintes industrielles de la fabrication de pâtes (le moule en bronze par extrusion). Et puis très vite, je me suis dit que ça allait brider la créativité et que je devais inverser l’exercice : aux industriels de s’adapter aux propositions des artistes ! Cependant, certains ne peuvent pas s’empêcher de faire de l’art et au final, on obtient des œuvres, pas des pâtes. Les frères Quistrebert ont par exemple fini par rendre des tableaux en pâtes… Il est intéressant de voir que chacun reste très lié à son domaine ou son approche. Le résultat ressemble vraiment à celui qui l’a produit.
Au-delà de cette courte exposition parisienne, quel est le destin du projet Pasta Utopia ?
L’exposition ne dure en effet que deux jours mais il est déjà question d’en tirer un livre et pourquoi pas des accrochages ailleurs… D’autres artistes sont en train de se greffer à ce projet qui va continuer à vivre, évoluer… Je ne critique pas les pâtes d’avant. Je constate simplement que nous sommes 80 à avoir voulu renouveler son vocabulaire de formes. Au final, on n’en produira peut-être que 4 ou 5… C’est une décision industrielle qui ne m’appartient pas car il faut un marché pour les écouler.
Quel message voulez-vous faire passer avec Pasta Utopia ?
Le but est d’essayer de créer du sens avec les objets du quotidien. L’accès à l’art est depuis toujours mon cheval de bataille. Je me suis aussi intéressé au problème des catégories. Quand j’ai monté la partie contemporaine de l’exposition sur le Bauhaus au Musée des Arts décoratifs en 2016, j’ai volontairement mélangé artistes, designers, architectes car ce mouvement affirmait que les artistes pouvaient être à l’origine de toutes les formes qui nous entourent. Pour moi, il n’y a pas de hiérarchie entre ces activités, c’est le sens qui m’intéresse. Après, si ça se mange, tant mieux !
> Pasta Utopia à la Galerie Papillon. 13, rue Chapon, 75003 Paris. Vendredi 5 octobre, de 17 h à 22 h, et samedi 6 octobre, de 11 h à 19 h.