En 2016, tout juste revenus d’une expatriation à Shanghai, Thomas Dariel et Delphine Moreau installent Maison Dada et son showroom à Paris. Le pont que jette alors ce jeune éditeur entre la France et l’Empire du Milieu est d’autant plus intéressant qu’il concerne aussi bien des fabricants que des fabricants et des designers. Comme Frank Chou qui commence à faire parler de lui dans l’Hexagone, avec de très belles créations à l’appui. Le ticket Dada-Chou, c’est l’avenir !
Ses études de designer à l’Ecole de design de Nantes-Atlantique achevées, Thomas Dariel tente d’abord sa chance aux États-Unis. Mais c’est finalement à Shanghai qu’il s’établit, à une époque où ce n’était pas si fréquent, les premiers arrivés n’hésitant pas à décourager les nouveaux venus… Il faut croire que le jeune homme, pas loin de deux mètres au garrot, est du genre opiniâtre. Derrière sa faconde, entre étonnement et amusement, pointe un guerrier. Mais loin de n’être qu’un business, le design est aussi une affaire de sensibilité. Delphine Moreau lui avait parlé deux saisons auparavant d’un siège « en forme de macaron ». Dariel a dessiné de multiples croquis autour de ce registre de formes jusqu’à en être pleinement satisfait. Exercice d’autant plus risqué que le genre est éculé, non seulement dans le design des décors hollywoodiens des années 1930 mais aussi dans les films italiens.
Et pourtant. Le siège Yiban-Yiban (moitié-moitié en chinois) de Thomas Dariel évoque non seulement les angles ronds et moelleux du macaron ou du boudoir mais suggère aussi l’atmosphère ouatée de la pièce du même nom. Le designer sent ces choses mais en parle sans s’y arrêter. De la même façon, cet arrière-petit fils de l’éditeur du mobilier d’extérieur de Robert Mallet-Stevens répugne à capitaliser sur son héritage. Sans se dérober non plus, il préfère parler de « collages, d’hybridations » et surtout de liberté. Il dessine et il met à jour ce qui lui plaît. Basta. Son indifférence à l’effet lui confère une sorte d’intégrité de style, avec de l’humour, de la couleur et de l’énergie. Il faut parfois du courage pour ne pas surfer sur les modes…
Ce que démontre la nouvelle collection « Major Tom », c’est que le designer a tourné la page. Temporairement ou pour de bon, il est trop tôt pour le dire. L’univers ludique mais pas seulement qui a été exposé chez RBC à Paris, celui qui a convaincu Lelièvre d’éditer un tissu, ou les cires Trudon de faire un bougeoir, amorce un tournant imprévu vers un design plus sage, plus calme, mais non sans malice.
Peut-être que c’est tout simplement la singularité de Thomas Dariel qui ressort… A Paris, on oublie souvent que les nouveaux venus ont souvent déjà eu une vie avant. Concrètement, cela donne Major Tom, un sofa qui attire tout de suite l’œil, une longue plage de confort de deux mètres quarante tendue de tissu couleur de pierre précieuse. Le canapé se termine par des accotoirs arrondis. Là où le fauteuil Yiban-Yiban jouait l’asymétrie avec un côté ouvert, Major Tom, sofa comme fauteuil, offre le maximum de confort grâce à la mousse à mémoire de forme, ferme sans dureté. Le confort, repose-pied compris, est aussi visuel, que le siège soit uni ou bicolore.
En parallèle, la maison poursuit ses collaborations, notamment avec le designer José Levy. La collection de miroirs pop « Morocco » s’agrandit avec quatre modèles sans bords, en verre de couleurs. Leurs contours rappellent sans folklore certains encadrements de fenêtres orientaux un peu rétro. A voir aussi, le bureau My confidant, déclinaison d’un précédent modèle, qui devient plus calme mais sans renier son principe de départ, un secrétaire de qualité. A l’arrière de la chaise Si Sophie s’assoit, le dossier graphique enlace le dos d’un trait. Les tables Mira, aux plateaux comme autant de flaques de couleur, comme dans les peintures de Miro, sont aussi ultra pratiques. Assemblez-les avec leur plateau comme une semelle sur piétement plissé et vous remplacez la sempiternelle table basse. Le repose-pied Ziggy, superposant de fines galettes de mousse nous fait, lui, la grâce de ne pas avoir le bientôt trop vu pied cerclé de cuivre. On s’arrête là ? Non, pour le reste, rendez-vous à Maison & Objet…
> A découvrir sur Maison et Objet, Hall 6, Stand P28. Du 17 au 21 janvier 2020.
> Maison Dada. 34, rue Saint-Dominique, 75007 Paris.