S’il continue de dessiner frénétiquement meubles et intérieurs, Philippe Starck est aussi un féru de technologie, toujours à l’affût des nouveaux produits innovants qui vont chambouler notre vie quotidienne. Il vient ainsi de travailler avec la start-up française Icare technologies qui a développé un objet baptisé Aeklys : une simple bague qui permet – sans contact – de régler ses achats, déverrouiller sa serrure connectée, ouvrir une session sur son ordinateur, payer dans les transports en commun… Engagé dans la dématérialisation de nos vies quotidiennes, ce concept ne pouvait que séduire le designer…
Comment vous êtes-vous embarqué dans l’aventure Aeklys ?
Philippe Starck : Un jour, trois jeunes entrepreneurs m’ont rendu visite au studio, avec un vrai produit, une vraie idée, qui m’allait parfaitement car cette idée est dans la lignée de celle qui m’intéresse : la dématérialisation. Autrement dit, augmenter les fonctions en enlevant de la matière. Donner à une bague autant de puissance, j’ai cru voir un de mes rêves bioniques se réaliser. Je ne pouvais qu’approuver. Maintenant, le produit est né. C’est extraordinaire car cela rejoint ce que j’avais écrit il y a longtemps pour accompagner la sortie de ma première ligne de montres : ce n’est pas une montre mais « une plateforme de services ». J’avais donc envisagé la « smart watch ». Pour moi, c’était déjà une évidence que l’objet n’était pas un objet à usage unique mais une plateforme. Je suis très heureux parce qu’avec Aeklys, je suis encore plus petit qu’une montre et tout aussi puissant. C’est un très beau produit en tant que tel mais c’est surtout un des premiers produits qui est sur la voie du bionisme.
Vous êtes toujours un designer très sollicité…
Dans ma vie, il se passe quelque chose de très étonnant : plus je vieillis, plus les jeunes m’aiment. Nous avons des demandes constantes, quotidiennes, de jeunes chercheurs, jeunes entrepreneurs, jeunes inventeurs et c’est formidable. Et quand je les aide – car les contrats que je conclus avec eux sont plus de l’ordre de l’aide que du commerce… (rires) – j’ai l’impression de faire du bien car il y a parmi eux des personnes formidables.
Des projets qui s’inscrivent dans l’évolution
Comment faites-vous le tri parmi tous ces jeunes inventeurs ?
Avec l’éthique. S’ils projettent uniquement de faire de l’argent, cela me refroidit, même si le projet est intéressant. Certaines propositions m’ont été faites concernant des produits qui sont aujourd’hui devenus des succès mondiaux, mais je n’avais aucune affinité avec la personne. Nous n’avions pas les mêmes valeurs et cela est vital pour moi. Ensuite, le projet va-t-il servir ? Être bon pour nous, pour l’humanité ? S’inscrit-il dans l’évolution ? Aide-t-il la continuité et la qualité de l’évolution ? Si ces trois conditions sont réunies, je me lance avec un grand enthousiasme.