Arles, capitale estivale de la photo

Lors de ses Rencontres, Arles mute en trépidant symposium de la photographie contemporaine, livrant ses murs à des centaines d’artistes. L’occasion d’arpenter chapelles déconsacrées, halles ferroviaires, collège abandonné et nefs industrielles, des lieux d’exposition d’exception.

Arles et la poésie des images ? Aux dires de l’écrivain Michel Tournier, cofondateur des Rencontres disparu cette année, l’adéquation allait de soi. « Cette petite ville avait naturellement vocation à devenir capitale de la photographie, expliquait-il en 1977. D’abord, évidemment, il y a la lumière, la transparence de l’air provençal. Puis il y a l’architecture, les arènes et ce qui s’y passe. Et, naturellement, il y a les hommes… » Avant les photographes, sa lumière, son architecture et ses hommes ont fait de l’œil aux peintres : Van Gogh, bien sûr, qui brossa à traits vifs les marais alentours, les maisons ocres et sa fameuse chambre ; Picasso ensuite, féru de tauromachie, qui coucha sur toile une Corrida en Arles.

Il faut dire que la bourgade est taillée pour les esthètes. À l’inverse de ses consœurs ripolinées de Provence, les très chic Aix ou Saint-Rémy, Arles la Camarguaise a gardé des couleurs passées, des façades patinées, si bien que le promeneur sensible aux beautés âpres se pâmera tous les dix mètres en sillonnant le centre. Un somptueux décor dont les Rencontres, une fois l’an, nous dévoilent l’envers et le dedans. On franchira la grille sévère du palais de Luppé, nouveau point de chute du festival, où s’exposent quelques étudiants de l’école de photographie du cru, triés sur le volet. On s’immiscera dans le cloître Saint-Trophime, dont les volumes médiévaux font d’idéales cimaises pour Stéphanie Solinas et son art socio-onirique : les Rencontres l’ont invitée à ausculter la mémoire de l’usine Lustucru, fermée en 2003, dont la nef signée Eiffel trône, désolée, dans le nord de la ville.

Car dans cette cité ouvrière que la crise industrielle n’a pas ménagée, les vestiges de béton et d’acier sont légion. Mais, là encore, les Rencontres n’ont eu de cesse de les revitaliser. À commencer par les anciens ateliers SNCF, cœur battant du festival, dont la Grande Halle, les Forges et l’Atelier de la Mécanique, tout juste rénovés par l’architecte Annabelle Selldorf sous l’impulsion de la Fondation Luma Arles, accueillent les expos les plus amples. Comptez aussi sur Ground Control, hangar de fret à l’abandon près de la gare, que le festival défriche pour la première fois.

Hors Rencontres, hors été, point de salut à Arles ? Ce serait méconnaître la vigueur du Magasin de Jouets, de Lhoste Art Contemporain ou de l’Espace pour l’Art, dont les expos de haute tenue dynamisent la ville à l’année. Ce serait oublier combien les éditions Actes Sud et la maison de disques Harmonia Mundi dorent le blason de la ville depuis des décennies. Arles la pittoresque, la décatie, la laborieuse, a la culture pour meilleur carburant. 

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