On ne les attendait pas vraiment… Les derniers pronostics allaient vers des personnalités plus médiatiques comme Bjarke Ingels ou Jeanne Gang. La rumeur évoquait même le couronnement inédit d’un Africain en la personne de Diébédo Francis Kéré ou encore d‘un éternel recalé comme David Chipperfield. A 16 heures ce 1er mars, la nouvelle est tombée de Chicago : l’agence RCR obtient le 39e Pritzker Prize, souvent qualifié de Nobel de l’architecture pour dire le caractère inégalable de la distinction.
Et les raisons de se réjouir sont multiples ! En récompensant un trio, la Fondation Hyatt, qui décerne ce prix, échappe au star system qu’elle a souvent adoubé. Car depuis sa création en 1979, le Pritzker a très peu valorisé l’architecture pensée de façon collective. C’est même la première fois qu’il met un trio à l’honneur.
A travers le parcours remarquable de Rafael Aranda (55 ans), Carme Pigem (54 ans) et Ramon Vilalta (56 ans), cette cuvée 2017 célèbre également la constance d’une carrière en marge de l’architecture spectacle. A l’œuvre depuis 1988, le trio catalan est établi à Olot, à une heure de la frontière française. S’ils n’ont jamais cédé aux sirènes de Barcelone, c’est moins par posture intellectuelle qu’en raison d’un attachement profond à cette ville où deux d’entre eux sont nés. Fidèle à ses racines tout en ayant les deux pieds dans un monde globalisé, RCR peut se targuer d’une production exemplaire, aussi exigeante que sensible.
Premier bâtiment qu’ils ont réalisé en France, le Musée Soulages a été inauguré à Rodez en 2014. Un équipement culturel conçu sans ostentation autour d’une collection d’exception qui les a fait passer de l’ombre à la lumière. Car avant de célébrer le maître de l’Outrenoir, RCR était assez peu renommé, si ce n’est des spécialistes qui avaient pressenti leur talent.
En 2005, ils avaient ainsi affolé la scène architecturale avec un hôtel puissamment poétique : « Les Cols Pavellons ». A l’image d’une philosophie qu’ils n’ont cessé de revendiquer, ses cinq pavillons de verre abritant les chambres témoignaient de l’étonnante capacité du trio à entrer en fusion avec un territoire et un paysage : Rafael Aranda, Carme Pigem et Ramon Vilalta recevront officiellement leur prix lors d’une cérémonie qui se tiendra dans le palais impérial d’Akasaka à Tokyo le 20 mai prochain.