La fin des théâtres à l’italienne a sonné ! Du moins à Strasbourg, où Le Maillon rompt depuis le mois de novembre avec le cloisonnement du foyer, des salles et des coulisses habituellement d’usage. Pour répondre au mieux aux expérimentations du théâtre et du spectacle contemporains, les architectes de LAN ont préféré « sortir du modèle traditionnel, en vigueur depuis la renaissance, en proposant une “fabrique du théâtre” plutôt qu’un “lieu de théâtre” », explique Umberto Napolitano, associé à Benoit Jallon depuis la création de leur agence parisienne en 2002.
« A la croisée du théâtre et de l’usine », Le Maillon se veut aussi performant qu’une machine. Volontairement surdimensionnées, les circulations ont des allures de ruelles et accueillent aussi bien des expositions que les échauffements des performeurs ou les clients du bar. Une flexibilité poussée à l’extrême qui décuple les potentiels de chaque volume. « Chaque espace peut devenir un espace scénique. A commencer par le hall d’accueil équipé de parois acoustiques, de rails techniques aux murs et au plafond, et d’une signalétique lumineuse totalement reconfigurable », reprend Umberto Napolitano.
Déjà rythmé par un concert et le discours d’inauguration d’Emmanuel Macron, le hall change de fonction comme de format. Sur chacun de ses flancs. des parois amovibles pivotent et coulissent à l’envi, pour relier le volume de 15 mètres de haut à une cour et à une salle de 250 places. A eux trois, ces espaces composent un volume supérieur à celui de la grande salle. Une configuration d’autant plus intéressante que d’épaisses poutres permettent de suspendre à tout moment des décors dans la cour.
Cachée derrière une citation d’Ionesco, la grande salle s’installe face à la cour et illustre le même souci d’évolutivité. Dotée de 700 à 1 200 places, si l’on y ajoute les gradins télescopiques de la petite salle, elle ne privilégie aucune orientation pour toutes les alterner (frontale, bi-frontale, tri-frontale, quadri-frontale) et s’ouvre sur un second espace extérieur. Une zone de logistique majoritairement dédiée aux livraisons, mais qui peut également se muer en amphithéâtre, dans la même lignée qu’une cantine et des salles de réunions suffisamment polyvalentes pour accueillir des ateliers pour enfants et des conférences ponctuelles.
Fil rouge entre les espaces et les usages, une collection de mobilier, conçue sur mesure en contreplaqué, se décline dans tout le théâtre. Des tables, une chaise, un fauteuil, des canapés et même un rocking-chair dont les licences ont toutes été cédées au Maillon par l’agence LAN. En s’alliant à un atelier de découpe numérique, le théâtre peut ainsi faire face à tout besoin supplémentaire et remplacer les pièces usagées. Une manière de s’épargner le passage par la case distribution qui rappelle les ambitions d’Enzo Mari. Et donne envie de voir l’agence LAN s’essayer plus souvent à l’échelle du mobilier…
> Le Maillon. 1, boulevard de Dresde, 67000 Strasbourg. Tél. : 03 88 27 61 81.