Dans l’appartement-laboratoire d’Harry Nuriev, tout est possible

Entre son salon en inox et ses lampes en phares de voiture, Harry Nuriev cultive un design de la métamorphose. Rien ne se perd, tout se transforme, surtout le regard que l’on porte sur nos objets. Visite guidée.

Dans son appartement-laboratoire parisien, au cœur de Saint-Germain-des-Prés, Harry Nuriev expérimente le « transformism », sa philosophie du design fondée sur le détournement de matériaux du quotidien. Un lieu en perpétuelle évolution où il vit, travaille, et où naissent ses projets d’art et de design.


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Design circulaire et détournement de matériaux

Fauteuils en claviers d’ordinateur, lampes en phares de voiture, tapis en chaussettes… Harry Nuriev, le fondateur de Crosby Studios, a converti son appartement de la rue des Beaux-Arts, dans le quartier de Saint-Germain-des-Prés, à Paris (VIe), en laboratoire créatif où il expérimente son travail de détournement des matériaux, une philosophie qu’il a baptisée « transformism ». Derrière ce néologisme, l’architecte et designer part du constat que tout a déjà été inventé et que les possibilités de production de nouveaux objets vont se réduire sous l’effet de la raréfaction des matières premières.

« Dans ce contexte de crise écologique, il ne nous reste plus qu’un seul choix : transformer l’existant », explique le créateur, président, l’été dernier, du 9e festival international d’architecture intérieure Design Parade à Toulon. Au sein de l’ancien évêché, il a créé l’espace « The Transformist Apartment » où il exposait une série d’objets issus de ce concept. Un art du pas de côté fondé sur une solide culture acquise à l’Institut d’architecture de Moscou. Enseignement qu’il a enrichi d’un début de carrière à New York, avant de s’installer dans ce nid parisien, il y a trois ans, avec son compagnon et associé Tyler Billinger.

Dans cet appartement situé au cinquième étage d’un immeuble de l’époque Directoire, ne subsistent plus que les parquets et la forme des pièces, à défaut de leur fonction en perpétuel bouleversement. Le propriétaire conçoit chaque réaménagement comme une expérimentation qui servira ainsi de base à de futurs projets pour des clients, tels que Jean Paul Gaultier, Camper, Baccarat, le Louvre, Fusalp ou Nike.

Un appartement-laboratoire vivant au cœur de Paris

Un trois pièces d’une centaine de mètres carrés où il mange, dort, travaille et reçoit… à la plus grande surprise des visiteurs qui pensent se trouver dans un showroom.
Après le jean, le rose millennial et le vert fluo qui ont fait sa signature, l’acier se décline aujourd’hui en meubles de cuisine, de salle de bains et en mobilier à travers l’appartement : tableau pêle-mêle sur plaque en Inox, murs effet miroir, mais aussi table basse ou table de salle à manger dessinées pour l’éditeur grand public allemand Westwing. Un choix inédit, car le directeur artistique est habitué aux projets expérimentaux et au design de collection réservés aux galeries.

« L’objectif de cette collaboration était de créer quelque chose de confortable et de familier – simple dans sa forme, mais sculptural et artistique dans sa présence. »
Il a aussi imaginé un motif en damier appliqué sur des lampes, des petits objets et des assises définissant l’ensemble de la collection. « Je ne pense pas être un bon designer, car le design repose sur des décisions ergonomiques. Mon travail relève de l’art. Lorsque je mène un projet, ce qui me préoccupe, c’est le message que je mets en scène. J’utilise en général des matériaux très expérimentaux qui ne sont pas destinés à l’espace domestique. C’est la première fois que je conçois quelque chose qui peut rencontrer quelqu’un sans que j’aie besoin d’être là pour en expliquer le sens. »

Partant de ce postulat, Harry Nuriev a décidé de se considérer comme le client et de créer ces pièces pour lui. Enfin, cet intérieur est aussi son camp de base. Dans la même rue, il a en effet ouvert sa galerie Crosby Studios regroupant ses œuvres récentes. Un lieu où les étudiants de l’École des beaux-arts, située non loin, adorent venir découvrir ses créations. Une sorte de prolongement de l’appartement, une fenêtre ouverte sur son cerveau bouillonnant.


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