Ils ne savaient plus comment l’appeler : atelier, manufacture, usine… Alors ils l’ont sobrement baptisé Lantokia, un mot basque qui signifie « lieu de travail » en français. Le succès d’Alki a placé l’éditeur à un carrefour de son histoire : toujours artisan, mais engagé dans une démarche industrielle.
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Un site durable pour Alki
Basé, depuis sa création en 1981, à Itxassou, dans les Pyrénées-Atlantiques – entre mer et montagne –, Alki a déménagé à Larressore, à quelques kilomètres. « Le projet d’agrandissement remonte à près de dix ans, raconte Eñaut Jolimon de Haraneder, qui dirige l’entreprise depuis quatre ans. Nous avons doublé notre surface, pour atteindre 8260 m2 aujourd’hui. »

Outre l’optimisation de la capacité de production, l’objectif était aussi l’amélioration des conditions de travail et du bilan énergétique ainsi que l’ouverture au public, qu’il soit professionnel ou particulier. Le tout supporté par un investissement de 12 millions d’euros. Alki maîtrise le savoir-faire du bois, produisant 10000 chaises et 3000 tables par an.
Ses meubles en chêne au design épuré s’adressaient jusqu’alors aux professionnels, aux institutions, au marché contract. « Chaise » se dit alki en basque. Celles dessinées par Patrick Jouin sont installées dans le site Richelieu de la Bibliothèque nationale de France (Paris IIe ) ; quant aux tabourets hauts Emea signés Iratzoki Studio, ils équipent le restaurant Le Frank de la Fondation Louis Vuitton (Paris XVIe ).

On retrouve Alki jusqu’au Nouveau-Mexique, dans la cafétéria de Spaceport America, le premier port spatial de Virgin Galactic. L’entreprise souhaite aussi conquérir le grand public, et lui ouvre grand les portes des 400 m2 où elle déploie ses gammes. Des chaises, des tables et des bureaux dessinés par Jean-Louis Iratzoki, le designer historique, mais aussi par Julie Richoz, les Suédois de Form Us With Love, Patrick Norguet et Samuel Accoceberry.
Une coopérative ouvrière
Dès l’entrée, un grand escalier fait la jonction entre l’atelier, les bureaux et le showroom. C’est là que se rencontrent les cols bleus et les cols blancs. Dès son origine, Alki a pris la forme d’une Scop, une coopérative ouvrière, dans une démarche militante, pour que la région ne vive pas seulement du tourisme ou de l’agriculture.

Chacun des 47 salariés – Mikel au stock, Éric à l’usinage, Zuhaitz le tapissier, Igor à l’expédition… – en est propriétaire, moyennant l’équivalent de dix mois et demi de salaire, retenus sur sa paye ou sur ses dividendes. Tous se partagent les bénéfices, chacun possédant un droit de vote.
Ces derniers ont élu Eñaut Jolimon de Haraneder à la direction, pour porter le projet de nouveau siège qu’ils ont voté. Le cabinet d’architecture Leibar Seigneurin a été choisi après concours. Au lieu d’un bâtiment linéaire, où la matière première arrive d’un côté pour ressortir de l’autre après usinage, l’ensemble est organisé de façon circulaire.

Dans un bâtiment carré de 90 mètres de côté, le stock central distribue ses besoins aux ateliers, disposés en étoile. Une fois le cercle achevé, l’unique quai de chargement qui a servi aux arrivées est dévolu aux départs. « Ce procédé permet de limiter les déplacements, explique l’architecte Xavier Leibar. La forme plus compacte réduit la surface de façade de 5000 m2 , pour un bâtiment linéaire, à 3000 m2 »
Un aspect important, car l’autre challenge était la performance énergétique. « Je les ai mis au défi de concevoir une structure zéro énergie, avec une température intérieure comprise entre 13 et 28 °C, selon les saisons, sans chauffage ni climatisation », raconte le P-DG. « Le secret, c’est l’isolation », explique Anne Deu-Tannière, la cheffe de projet. Des échangeurs de chaleur à plaques régulent les flux d’air chaud et froid et des extracteurs géants filtrent les poussières. L’édifice est couvert d’écailles en aluminium anodisé.

Disposés en périphérie, les ateliers bénéficient de la lumière du jour, savamment tamisée par des volets fixes semi-ouverts, dont l’inclinaison est calculée de façon à ne jamais être gêné par la lumière directe. Chacun peut ainsi contempler la vue sur la vallée, splendide, jusqu’au pic de La Rhune, le sommet mythique du Pays basque.
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