Entre les murs du Musée Rath, Genève célèbre une Afrique plurielle, inventive et affranchie des stéréotypes. L’exposition “Au-delà des Apparences”, conçue avec la banque CBH (Compagnie Bancaire Helvétique) et le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH), réunit près de 80 artistes issus de 21 pays africains. Un panorama saisissant où modernité, spiritualité et engagement composent une mosaïque d’une rare intensité et une traversée vibrante réalisée grâce à la complicité éclairée de Pierre Yovanovitch.
À lire aussi : Concept stores africains: 5 adresses parisiennes où le design reprend ses droits
Raconter les Afriques, relire un récit fragmenté
Loin des visions figées du continent africain, “Au-delà des apparences” invite à un voyage à travers près d’un siècle de création africaine, allant de 1929 à 2024 à travers un accrochage pensé comme une conversation vivante entre mémoire et contemporanéité, qui met en lumière la diversité d’un continent qui s’invente sans cesse au présent.
L’exposition, dont le commissariat est assuré conjointement par Jean-Yves Marin, conseiller artistique de la banque CBH, et Ousseynou Wade, ancien secrétaire général de la Biennale de Dakar et expert reconnu de la scène artistique africaine, est une véritable traversée visuelle des formes, des territoires et des temporalités. Le parcours se décline en sept séquences thématiques — Émergence, Spiritualité, Entre deux mondes, Vie au quotidien, Intimité, Intemporalité, Affirmation. Ici, l’art moderne et contemporain africain trouve enfin un espace où ses voix multiples ne sont pas uniformisées mais articulées. D’ailleurs, le terme « art africain » perd sa singularité générique pour devenir « les arts africains », symbolisant toute la diversité et la complexité des héritages et des futurs.
Dans ce récit, on croise des précurseurs comme Albert Lubaki, dont les aquarelles de 1929 posent les premières pierres d’un modernisme congolais. Plus loin, des artistes comme El Anatsui et Amoako Boafo réinventent le matériau, la couleur et la posture, repoussant les frontières entre local et global. Des femmes artistes émergentes, telles Tonia Nneji et Maku Azu, affirment un discours générationnel et géographique qui ne pouvait plus rester invisible. Ce panorama visuel dessine une géographie intérieure : de Lubumbashi à Dakar, d’Abidjan à Bamako, chaque artiste trace sa trajectoire, son héritage, son geste. Le visiteur ne traverse pas simplement une salle, il déambule dans un espace-temps complexe. Et c’est précisément ce que la scénographie de Pierre Yovanovitch rend lisible.
La scénographie comme médiatrice d’un regard renouvelé
Le défi était singulier : comment donner à voir ces « Afriques multiples » sans les enfermer dans une vitrine exotique ou les lisser sous un « style africain attendu » ? La réponse du designer Pierre Yovanovitch est de concevoir un écrin qui accompagne sans dominer. « S’effacer devant la force des œuvres, leur offrir un écrin qui les accompagne sans les dominer », déclare le designer. Les salles se succèdent dans un rythme fluide : cloisons aux formes arrondies, teintes naturelles discrètes, éclairage qui valorise la matière.
L’effet : la scénographie devient un médiateur diescret, permettant à chaque œuvre de garder sa singularité tout en s’inscrivant dans un ensemble plus vaste. Ce geste formel transforme la visite en expérience spatiale : on ne regarde pas seulement une œuvre, on se déplace dans un récit. L’agencement des pièces crée des respirations – une pause après une salle dense, un plafond haut après un recoin intimiste. Le décor est présent, mais sa discrétion fait sa force. Le design ne détourne pas, il soutient. Et c’est là la finesse de cette exposition : elle affirme que l’art africain ne demande plus l’apologie, mais la reconnaissance.
À la sortie, on emporte avec soi l’impression d’avoir traversé non un continent monolithique, mais un vaste paysage artistique, composé de voix multiples, de gestes distincts, de matériaux qui résonnent et d’histoires qui s’entrelacent. Et c’est cela, justement, que l’exposition « Au-delà des Apparences », conçue avec la banque CBH (Compagnie Bancaire Helvétique) et le Musée d’art et d’histoire de Genève, accomplit : dépasser les catégories pour laisser advenir la complexité.
> Exposition « Au-delà des apparences », parcours amoureux de l’art moderne et contemporain d’Afrique à travers l’exploration de la collection d’art CBH, jusqu’au 23 novembre 2025 au Musée Rath, place de Neuve 1, Genève. Mahmah.ch/expositions/au-dela-des-apparences
À lire aussi : 5 créateurs africains à connaître absolument