Créé en 1984 par Alain Julien-Laferrière, qui en est toujours le directeur, le Centre de création contemporaine (initialement CCC) a abandonné l’espace exigu qu’il occupait aux abords de la gare pour intégrer un édifice flambant neuf au cœur de la ville historique. Un déménagement motivé par la donation en 2008 de 150 dessins et 5 toiles gigantesques d’Olivier Debré (dont les initiales complètent l’acronyme CCCOD), fonds enrichi par le prêt permanent de 140 tableaux.
Pour offrir au peintre abstrait, décédé en 1999, un bâtiment digne de son œuvre, la communauté d’agglomération Tour(s)plus (devenue, depuis, Tours Métropole Val de Loire) a choisi en décembre 2012, à l’issue d’un concours international, l’agence d’architecture portugaise Aires Mateus. Fondée en 1988, celle-ci a rapidement acquis ses galons sur la scène internationale. Les deux frères qui la composent raflent régulièrement des distinctions, comme le prix de l’Union européenne pour l’architecture contemporaine Mies van der Rohe, récompensant, en 2007, la construction du Sines Center for the Arts, réalisée au Portugal avec l’architecte Gonçalo Byrne. À Tours, qu’Alain Julien-Laferrière compare volontiers à « la Toscane de la Touraine », Francisco et Manuel Aires Mateus ont transformé l’ancienne école des beaux-arts, construite en 1958, en un écrin de pierre et de lumière de 4 500 m2.
Le centre d’art tourangeau s’agrandit sans changer de cap. Sa mission : faire découvrir des artistes émergents ou méconnus au rythme d’une dizaine d’expositions par an, monographiques ou collectives. Il doit sa réputation aux nombreuses exhibitions d’envergure qui égrènent son histoire : Agnès Thurnauer (2007), Kader Attia (2009), Pierre Ardouvin (2011), Mounir Fatmi (2014) mais aussi Roman Opalka (2002), François Morellet (1999) ou Daniel Buren (2005). Après onze artistes norvégiens émergents, c’est au Coréen Lee Ufan d’investir la galerie noire avec ses œuvres méditatives et minimalistes. Pensée comme une exploration des effets de l’obscurité, son exposition « Pressentiment » se déploie dans une pénombre ouatée et enveloppante, ponctuée par les peintures et sculptures de l’artiste contemporain.
En face, sous une hauteur sous plafond qui culmine à onze mètres, se déploie la grande nef. Elle est destinée à accueillir une œuvre unique, monumentale, que ses larges baies rendent accessibles gratuitement aux passants. L’étonnant artiste norvégien Per Barclay l’inaugure avec une Chambre d’huile, sorte de monochrome noir composé de 20 000 litres de liquide déversés dans un trapèze de 25 mètres sur 9, dans lequel les monuments environnants se reflètent. La sensation de vertige qui émane de ce miroir au format XXL qui se fond dans l’architecture est neutralisée par la confrontation avec un minuscule tableau. Ce Petit Lysne gris d’Olivier Debré, auquel Per Barclay rend hommage, décida de la vocation de ce dernier quand, âgé de 21 ans, il l’aperçut dans une galerie d’Oslo.
Quant à Olivier Debré, décédé en 1999, il occupe la totalité de la galerie blanche, 750 m2 répartis sur deux niveaux à l’esprit white cube. Sous l’impressionnante lumière zénithale, l’exposition « Un voyage en Norvège » s’articule autour de l’une de ses cinq toiles géantes, Gris bleu, taches bleues de Loire, et d’une quarantaine de paysages peints en Norvège par l’artiste à partir de 1971, dont la quasi-totalité – notamment ceux prêtés par la reine Sonja – n’a jamais été vue en France. De larges baies vitrées ponctuent le parcours, permettant au visiteur de quitter la Scandinavie pour découvrir des points de vue inédits sur la ville. Car le CCCOD est « un centre d’art, pas un musée, un lieu plus proche de la société que de l’éternité », déclare Alain Julien-Laferrière, qui espère y accueillir 100 000 visiteurs par an, entre café-restaurant, librairie et espaces d’exposition.
CCCOD. Jardin François-Ier, 37000 Tours. Tél. : 02 47 66 50 00. Cccod.fr