Dorothée Delaye a réalisé chez elle le rêve de plus en plus de citadins harassés par le rythme de la vie urbaine et par la pollution : se sentir à la campagne en pleine ville. « J’ai grandi dans des maisons, confie l’architecte d’intérieur, cofondatrice, avec Daphné Desjeux, rencontrée à l’école Boulle, de l’agence Desjeux Delaye. J’ai donc tenté de reproduire une atmosphère bucolique au sein de cet espace de 200 m2 logé au fond d’une cour. »
L’espace en question est une ancienne miroiterie du XIIe arrondissement, dont le principal atout réside dans les volumes. Il ne reste aujourd’hui de son passé industriel que de grands piliers de métal rouillé donnant un certain caractère à l’ensemble. Concernant le gros œuvre, une partie de la toiture a été retirée afin de créer un patio. Celui-ci compense le manque d’éclairage naturel de ce rez-de-chaussée et profite ainsi au salon et aux chambres des enfants. L’un des deux garages attenants au bâtiment principal a été transformé en suite parentale.
À l’intérieur, Dorothée Delaye a plus que jamais utilisé son œil, exercé par des années de chine, et son réseau d’antiquaires-brocanteurs, pour dénicher tout ce qui apporterait du cachet à ce lieu. Dans le bureau, installé près de l’entrée, des tommettes et une banquette confortable réchauffent l’atmosphère. Des portes en bois anciennes, repérées en Belgique, ferment de grands placards. « Je les ai fait sabler pour leur donner un aspect à la fois clair et patiné », souligne la décoratrice, qui a également percé l’un des murs d’une verrière d’atelier.
On pénètre rapidement dans la pièce principale : 90 m2 où se répartissent la salle à manger, la cuisine et le salon. Des boiseries ont été posées sur les murs dans le plus pur esprit haussmannien et une cheminée en marbre rouge aux veines contrastées, surmontée d’un miroir baroque, offre l’illusion parfaite d’un appartement datant du célèbre baron. Au sol, un parquet en point de Hongrie, récupéré entier dans un immeuble du XVIe arrondissement semble avoir toujours été là. La salle à manger, éclairée par une grande fenêtre, mélange chaises vintage, lustre en osier et tableaux abstraits de Jeni Camdessus.
Véritable cœur de cet espace à vivre, le grand bar de la cuisine, généreusement ouvert sur le salon, est une réplique d’une pièce ancienne. « J’ai apporté, pour équilibrer, des touches plus contemporaines comme la suspension L’Instable, qui fait partie de la collection de luminaires que nous avons dessinée avec Daphné, et une grande bibliothèque réalisée sur mesure par un menuisier, raconte Dorothée. L’échange avec les artisans est l’aspect de mon métier que je préfère. »
Des touches de laiton et de vert rythment des étagères aux lignes franches. L’architecte d’intérieur aime se servir des horizontales et des verticales bien marquées pour apporter une certaine masculinité au décor. Côté chambre, l’expérience hôtelière de Dorothée – qui a conçu, avec Daphné, le Snob, La Planque ou encore le Handsome Hotel – lui a donné le goût des lits surélevés. L’antre des parents, dont le plafond laisse passer la lumière par des briques de verre, révèle une harmonie de crème, beige doré et gris, réveillée par des touches de couleurs terracotta et vert-de-gris. Au mur, une tapisserie de bandelettes de feutre tissées est signée d’une des artistes favorites de la maîtresse des lieux : Brigitte Bouquin-Sellès.
Dans un tout autre esprit, la chambre de sa fille est un paradis romantique peuplé d’oiseaux immortalisés sur un papier peint typiquement anglais, de petites armoires peintes chinées aux puces d’Aligre, toutes proches, et de pièces en rotin. Rotin que l’on retrouve dans la chambre de son fils sous la forme d’un gros crabe surplombant le lit. Tapissée d’un motif abstrait vert, elle donne sur l’enclave végétale de la maison : le patio. Au menu, pavés à l’ancienne, meubles de jardin rétro en métal laqué blanc, beaucoup de plantes et… le lapin de la famille. Qui s’intègre parfaitement à ce décor naturellement chic.