L’art de la table est-il le contraire du féminisme ? “L’Ange du Foyer était excessivement sympathique, positivement charmante et parfaitement altruiste. (…) Cela va sans dire, l’Ange du Foyer était la pureté incarnée. (…) Je me jetai sur elle, la pris à la gorge et de toutes mes forces, m’efforçai de la tuer. (…) C’était elle ou moi. (…) Aussi, sitôt que je voyais l’ombre de ses ailes ou l’éclat de son nimbe couvrir ma page, je prenais l’encrier et le lui jetai à la tête. Elle avait la vie dure, cette créature imaginaire.”
Misschiefs invente un art de la table féministe
Dans ce discours prononcé en 1931 au National Society for Women’s Service et publié onze ans plus tard sous le titre Professions for women, Virginia Woolf tue symboliquement ce fantasme d’une parfaite femme victorienne, fée du logis qui excelle dans les tâches ménagères et soumise à son mari. Une réponse à L’Ange de la maison, poème du Britannique Coventry Patmore publié pour la première fois en 1854 et qui gagnait en popularité au début du siècle dernier.
Les mots de l’écrivaine anglaise bouleversent Paola Bjäringer, fondatrice de la “méthode/plateforme” Misschiefs, qui donne la parole à des artistes femmes et non binaires : “J’ai toujours été fascinée par les codes du repas – pourquoi la nappe blanche, pourquoi place-t-on le couteau à gauche, etc. – et rêvais de faire quelque chose avec l’art de la table. En lisant ces lignes, cet appel au meurtre symbolique, j’ai trouvé mon sujet.” “Fine Dying”, jeu de mot sur le “fine dining” prend vie à Stockholm en 2021.
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Des ronds de serviettes-menottes et des présentoirs-scies
A l’occasion de la Paris Design Week 2023, l’exposition itinérante présentée à Milan l’an dernier, atterrit à Paris, à l’Institue suédois. Isa Andersson, Butch X Femme, Lotta Lampa, Anna Nordström, Maria Pita Gerreiro et Sara Szyber, six artistes et designers éclectiques, se prêtent au jeu, imaginant des objets cool à la fois drôles, bizarres et punks. Les coupelles à fruits-couteaux de cuisine, ronds de serviettes-menottes, plats-tapettes à souris, salières et autres présentoirs-scies, disposés sur une longue tablée pleine à craquer de fausses saucisses et de gâteaux en gelée, s’imprègnent sur les rétines. Tout comme les sculptures de l’artiste française pluridisciplinaire Popline Fichot, choisie à l’occasion de cette édition parisienne.
“Les oeuvres sont en vente au prix d’artiste car nous avons vocation à démocratiser l’art et le design. continue Paola Bjäringer. L’exposition évolue ainsi au fil du temps et des achats. »
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Jusqu’au 1 octobre à l’Institut suédois
11 rue Payenne 75003 Paris, France
+33 (0)1 44 78 80 20
www.institutsuedois.fr