Signée par l’agence MANO, la rénovation de ce pavillon des années 30 va bien au-delà du simple rafraîchissement. Entre extension en bois, béton brut et baie vitrée installée à la grue, l’architecte Benjamin Loiseau transforme sa propre maison en manifeste low-tech, modeste en apparence, redoutablement intelligent dans sa mise en œuvre.
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Repartir de l’ombre pour faire entrer la lumière
Avant, ce pavillon était somme toute banal, typique de l’entre-deux-guerres : deux niveaux non connectés, un souplex malmené par les années 2000, un jardin sous-exploité. Après, il est devenu un volume cohérent, pensé comme un organisme vivant où chaque matériau, chaque vide, chaque strate a son rôle à jouer. Le genre de rénovation qui refuse le tape-à-l’œil mais revendique, en sourdine, un certain radicalisme.












Il fallait reconnecter les étages, ouvrir les perspectives, faire entrer le jardin dans la maison — et la maison dans son quartier. Une ambition qui pourrait paraître classique… si elle n’était servie par des choix structurels et esthétiques assumés jusqu’au bout des joints.
L’un des gestes les plus forts du projet ? Une façade vitrée monumentale — 250 par 310 cm — installée à l’aide d’une grue par-dessus la parcelle du voisin ! Une opération acrobatique, coûteuse, certes, mais qui permet aujourd’hui une respiration plus que réussie entre intérieur et extérieur et un luxe rare : voir l’horizon depuis Aubervilliers.
À l’intérieur, le discours est clair : pas d’ornement superflu, ni de carreaux à la mode. Le sol, l’escalier et la cuisine sont en béton brut ; le bois, laissé à nu. Loin d’une prétendue neutralité, ce minimalisme revendiqué donne à voir la matière dans ce qu’elle a de plus honnête — avec ses aspérités, ses tremblements, ses traces du quotidien. Et permet de passer l’épreuve du temps et d’accueillir aussi bien des meubles d’époque que des pièces cultes et même du mobilier anodin et chiné.
Un projet pensé pour vivre, pas pour paraître
La cuisine s’ouvre sans s’imposer, le salon dialogue avec le jardin, une mezzanine-bibliothèque plane au-dessus du séjour comme un poste d’observation discret. À l’étage, des espaces encore ouverts attendent d’écrire leur histoire — chambres, bureaux ou autre chose : ici, l’architecture n’impose pas, elle propose.

Au sommet, une terrasse improbable, presque spectaculaire, offre une échappée visuelle jusqu’au Sacré-Cœur. Là encore, le contraste fonctionne : un pavillon en apparence modeste qui s’ouvre sur une vue de carte postale, comme un pied de nez à ceux qui ne jurent que par les codes bourgeois du « bon goût ».

Ce projet, mené avec relativement peu de moyens mais une grande exigence de justesse, dit beaucoup du positionnement de l’agence MANO, pour qui l’architecture est une affaire d’usage, de lumière, de matière, de contexte. C’est peut-être ça, le vrai luxe aujourd’hui : une architecture capable d’être à la fois modeste, contextuelle et ambitieuse — sans jamais chercher à en mettre plein la vue.
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