Labellisée « patrimoine du XXe siècle» par le Ministère de la Culture en 2015, la Villa Benkemoun est un joyau architectural remis au goût du jour par la propriétaire et fille du couple Brigitte Benkemoun et son mari, Thierry Demaizière. Elle raconte, pour IDEAT, l’histoire qui se cache derrière cette maison.
Une histoire de famille
Au début des années 1960, Simone et Pierre Benkemoun ont une trentaine d’années lorsqu’ils quittent l’Algérie et posent leurs valises dans la ville provençale. Une décennie plus tard, ils achètent un terrain avec un couple d’amis pour y faire construire leurs maisons avec l’aide de l’architecte, Émile Sala. Leur fille, Brigitte Benkemoun, raconte : «Les deux maisons sont très différentes mais elles forment un ensemble remarquable qui témoigne du talent d’Emile Sala.»
«Émile Sala considérait Le Corbusier comme son maître mais celui-ci s’inscrivait aussi dans un courant plus organique» raconte la propriétaire. La création du Bauhaus ou la réalisation de la Maison sur la cascade de l’Américain Frank Lloyd Wright ont animé Émile Sala dans sa pratique, notamment pour la réalisation de la Villa Benkemoun.
Avec sa façade blanche, la demeure familiale rappelle la Villa Savoye réalisée par l’architecte Le Corbusier entre 1928 et 1931. «La seule modification visuelle frappante, c’est la couleur de la façade. Celle-ci était ocre, nous l’avons faite repeindre pour que les lignes soient plus pures» raconte Brigitte Benkemoun. Une connexion entre l’intérieur et l’extérieur se dessine grâce son toit terrasse et ses nombreuses baies vitrées donnant sur le jardin avec piscine. Typique de l’architecture du sud de la France, le pigeonnier brutaliste a également été reconstitué au centre de la villa.
Le mot d’ordre d’Émile Sala ? Architecture participative. Avant toute conception, il s’imprègne des envies et des goûts du couple Benkemoun afin d’imaginer une maison répondant à leur personnalité. L’architecte dessine les premiers plans avec une structure plutôt longiligne qui ne convient pas à Pierre Benkemoun. Ce dernier suggère l’ajout de quelques courbes et l’architecte revient avec de nouveaux plans sur lesquels il n’y a presque plus de murs droits. A l’inverse de l’étage où chaque espace est compartimenté, le rez-de-chaussée – qui regroupe les espaces de vie commune et la chambre parentale – est aéré pour souligner les courbes de la villa.
Un intérieur pop
À l’époque, l’architecte arlésien fait appel au décorateur d’intérieur Robert Heams pour transformer la bâtisse en un refuge «pop» et coloré, typique des années 1970. Ce lieu chargé de souvenirs a grandement inspiré Thierry Demaizière pour la restauration de la villa Benkemoun : «La villa est restée notre seule influence. Il ne s’agissait pas de la transformer mais seulement de l’épurer, revenir à l’essence du projet d’Émile Sala.»
Pour compléter la collection de mobilier vintage comme les fauteuils F588 oranges créés par Geoffrey Harcourt pour l’éditeur Artifort en 1960 ou encore la cheminée métallique conçue par le designer Max Sauze, le couple a déniché de nouvelles pièces en adéquation avec l’univers du lieu. «Thierry (Demaizière, ndlr) a réintroduit de la couleur : de l’orange dans la cuisine et des vitrages amenant des touches de lumière rouge, orange, jaune et même parfois bleue.»
La Villa Benkemoun accueille également, une à deux fois par an, un artiste venu présenter ses œuvres. Il y a deux ans, le céramiste Guy Bareff avait investit les espaces de la villa en compagnie de l’artiste Elsa Oudshoorn : «J’ai réalisé tardivement que ce grand céramiste et sculpteur avait conçu le pourtour de la cheminée, à l’âge de 28 ans.» En 2019, lors de la semaine d’ouverture des Rencontres de la photographie d’Arles, la demeure avait accueilli la photographe avant-gardiste Ellen Carrey et sa série Mirrors of Chance ainsi que le photographe Philippe Chancel. «Les expositions sont aussi une façon pour le public de visiter cette maison qui a été classée au patrimoine architectural du XXe siècle».
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