Roquebrune-Cap-Martin occupe une place privilégiée dans l’imaginaire des amateurs d’architecture. C’est sur cette commune de la Côte d’Azur que Le Corbusier a érigé en 1952 son fameux cabanon, dans la proximité immédiate de la non moins iconique villa E-1027, conçue quelques deux décennies plus tôt par l’Irlandaise Eileen Gray. On trouve aussi, sur la même parcelle, un dispositif de villégiature somme toute modeste que Le Corbu avait dessiné pour son ami cafetier de fortune Thomas, dit « Robert », Rebutato. Aujourd’hui accessible au public, cet ensemble est incontestablement l’un des repères incontournables du mouvement moderniste méditerranéen. Les concepteurs de l’hôtel The Maybourne Riviera, situé quelques centaines de mètres plus haut sur la falaise, ne pouvaient donc faire fi de cet héritage.
Hommage à Eileen Gray et Le Corbusier
Dès le lobby, ceux qui auront l’œil distingueront un panneau en verre dessiné par Le Corbusier. De même, en s’aventurant vers le restaurant Riviera, ils remarqueront clairement un bas-relief qui rend hommage à la villa E-1027. Au-delà de ces évocations directes, les allusions se déclinent au fil des espaces à travers des intentions stylistiques : des lignes volontairement douces, des coloris pastel évoquant la mer et le ciel ou encore certaines matières employées. Comme si l’esprit de ces deux monstres sacrés avait été le fil rouge de la ligne de conduite que les différents intervenants du projet avaient dû respecter. En premier lieu, l’architecte français Jean-Michel Wilmotte, qui signe les bâtiments de cet établissement de 69 chambres.
Le Maybourne Riviera se déploie à travers trois ailes à la morphologie bien distincte, dans lesquelles on retrouve des chambres et des espaces communs consacrés à la restauration ou au bien-être. La plus visible de ces entités, à la fois depuis la route qui descend de la commune de La Turbie et depuis le bord de mer, est sans aucun doute l’aile Crystal dont l’apparence quasi incandescente (verre et revêtement blanc) rend parfaitement grâce à la lumière azuréenne.
Un casting de haute volée
Il s’agit évidemment du bâtiment principal du Maybourne Riviera où se trouvent l’accueil, 17 chambres aménagées par l’agence britannique Rigby & Rigby, le bar Le 300 (en référence à l’altitude de l’hôtel) ainsi que les deux restaurants gérés par le chef étoilé Mauro Colagreco : si le Riviera, situé dans le prolongement du lobby, revisite avec élégance cette cuisine locale entre terre et mer, entre la France et l’Italie, si caractéristique du territoire, le Ceto quant à lui, installé au sommet de l’édifice dans un agencement conçu par l’architecte Marcelo Joulia, est spécialisé dans les produits de la mer, à travers des plats proposant une véritable escapade gustative sous-marine.
L’aile Azur est peut-être la plus discrète et en même temps la plus impressionnante des entités. La demi-douzaine de suites qu’elle abrite donne le sentiment d’être littéralement installée au cœur de la roche qui soutient l’aile Crystal. Ainsi, depuis la piscine située en contrebas du lobby, la vision des immenses baies vitrées semblant émerger de la falaise est pour le moins saisissante. Ce point d’observation se révèle être un deuxième carrefour de la vie de l’hôtel Maybourne Riviera, donnant accès aux jardins aménagés sur une série de terrasses, aux restaurants gérés par le chef Jean-Georges Vongerichten, au spa conçu par l’architecte hongkongais Andre Fu et bien sûr à la troisième aile baptisée Corniche.
Déployé à l’horizontale et s’inscrivant le long du relief que les restanques dessinent, ce bâtiment abrite une quarantaine d’habitations dont certaines disposent d’ailleurs de piscines privatives. Elles ont été pour la plupart décorées par le londonien Bryan O’Sullivan Studio. Toutefois, trois de ces suites, potentiellement communicantes, ont été aménagées par l’architecte d’intérieur Pierre Yovanovitch.
Au total, une demi-douzaine de signatures indépendantes sont intervenues dans la réalisation du Maybourne Riviera pour le moins hors norme dans le paysage de la Côte d’Azur, encore peu habituée aux signatures contemporaines. On aurait pu craindre un jeu de name dropping où chacun cherche à imposer sa patte, mais la surprise vient au contraire de l’homogénéité, voire d’un certain effacement des marques de fabrique. Reste que la haute facture d’un tel projet demeure plutôt exclusive, avec des tarifs démarrant à 1 000 € hors saison la nuit… ce qui, évidemment, n’effraiera pas certains esthètes.
> The Maybourne Riviera. 1551, route de La Turbie, 06190 Roquebrune-Cap-Martin.