A Tours, l’exposition « Tout ce que je veux. Artistes portugaises de 1900 à 2020 » au CCC OD, dévoile des artistes portugaises se libérant de leur statut de muses et revendiquant celui de créatrices. «Il ne s’agit pas de dresser un inventaire, chronologique ou théorique, encore moins une exposition pamphlétaire, déclare la commissaire Helena de Freitas, mais d’établir un dialogue entre ces créatrices du siècle écoulé à travers leurs œuvres. » Et autant dire que cette juxtaposition d’univers aussi éclectiques engendre d’innombrables récits, qui écrivent une autre histoire de l’art.
A la conquête d’une chambre à soi
À commencer par l’affirmation du statut d’artiste de ces femmes jusque-là cantonnées à la sphère familiale. C’est donc à Aurélia de Sousa que revient l’honneur d’inaugurer ce parcours avec un autoportrait daté de 1900. Son regard déterminé en dit long sur le changement en cours. Les yeux plantés dans ceux du spectateur, elle semble dire : c’est « Tout ce que je veux », le titre de cette exposition, inspiré de la philosophe Lou Andreas-Salomé.
Cette démonstration est renforcée par un tableau de Rosa Carvalho, qui immortalise son atelier, telle Une chambre à soi, pour paraphraser Virginia Woolf, dénuée de toute présence humaine. Le modèle, la muse voire la mécène a disparu, il ne reste que l’artiste, qui désormais tient les pinceaux. Celle-ci est libre de se représenter en ange portant une épée, tel l’archange saint Michel, comme le fait Paula Rego, ou de signer de son seul nom, telle Vieira da Silva, qui supprime son prénom, ou encore de condamner la colonisation.
Se faire entendre à travers l’art
En 1974, la fin de la dictature encourage ces femmes à enfreindre l’espace délimité par le plan pictural. Ainsi, Helena Almeida se photographie avec la bouche cousue, Ouve Me (Écoute-moi), ou se filme privée de bande-son derrière un drap translucide, comme pour mieux signifier son invisibilité. Cette thématique, la place du corps, Patrícia Garrido s’en empare également en moulant son anatomie à l’aide de silicone et de polyester. Intitulée Tout le plaisir est pour moi, cette sculpture ne symbolise pas tant le détournement d’un objet de volupté que la manifestation d’une indépendance enfin acquise. À défaut de notoriété.
> « Tout ce que je veux. Artistes portugaises de 1900 à 2020 ». Au CCC OD, jardin François-Ier, à Tours (37), jusqu’au 4 septembre. Tél. : 02 47 66 50 00. Cccod.fr