L’exposition Love Songs, Photographies de l’intime habille les murs de la Maison Européenne de la Photographique jusqu’au 21 août. Véritable voyage sentimental, elle réunit des images datant des années 1950 à nos jours et présente la façon dont la photographie peut écrire le récit d’une relation amoureuse. En diversifiant les représentations de schémas amoureux, les artistes plongent les visiteurs dans les fragments de leur intimité.
Face A / Face B : deux volets pour explorer l’amour
À la manière d’un best of musical, l’exposition est conçue en deux temps : la première partie, Face A, regroupe des séries réalisées entre 1950 et 2000 tandis que la deuxième partie, Face B, regroupe des séries des années 2000 à aujourd’hui. Qu’elle que soit l’époque et le caractère personnel que revêt l’expérience amoureuse, il émane une certaine universalité des images. La MEP devenue sanctuaire de l’amour pare ses murs de clichés qui racontent, tour à tour, les premiers émois d’une relation, des événements marquants comme le mariage, la lune de miel ou encore la séparation et les derniers jours partagés avec l’être aimé…
L’entrée en matière se fait avec l’ardente série L’œil de l’amour (1952) de René Groebli qui transforme son voyage de noce avec Ritä Dürmüller en délicat poème visuel. L’essence de leur relation se traduit par une vision sensuelle empreinte de respect et d’admiration. Ces scènes vont faire écho à d’autres séries qui présentent aussi des instants capturés dans des chambres, comme c’est le cas pour la série d’Alix Cléo Roubaud (Sans Titre, 1980-1981) qui semble collectionner les images du quotidien partagé avec l’homme qu’elle aime, ou encore celle de Nan Goldin (The Ballad of Sexual Dependency, 1973-1986) qui oscille entre pratique documentaire et journal intime.
Dans la pluralité des interprétations qu’elle propose, l’exposition Love Songs donne également à voir des séries réalisées en tandem amoureux qui permettent de saisir l’intensité d’un processus créatif conçu à deux. En témoigne Personal Letters (2000), première collaboration de RongRong&inri où les images sont associées à des mots doux échangés, fruits d’une correspondance épistolaire enflammée.
Pour une réflexion autour l’image photographique
Bien plus qu’une succession d’images rassemblées autour de la même thématique, Love Songs interroge l’essence même de la photographie et le pouvoir mémoriel qu’elle exerce. En effet, les photographes traduisent les émotions vécues à un instant T et partagent avec les visiteurs ce qu’ils traversent, ce qui les habitent. Hervé Guibert, Larry Clark ou encore Lien Zhipeng racontent visuellement ce à quoi ressemblent des relations différentes qu’ils entretiennent. Qu’elles dépeignent des personnages isolés ou des proches dont la sexualité est capturée de façon ludique et sans contrainte, chacune des séries se construit autour de paysages émotionnels communs.
La pluralité des regards sur le sentiment amoureux est alors frappante puisque les artistes parviennent à transmettre leur propre perception des liens entretenus avec leur(s) bien aimé(es). À la manière du voyage sentimental tel que Nobuyoshi Araki le présente ou encore les Fragments d’un discours amoureux de Roland Barthes, l’amour tel qu’il est ici donné à voir, renvoie ainsi à une multitude d’histoires à la fois privées et publiques.
L’image photographique agit comme le support de cette transmission de récits, tantôt sublimés par des procédés techniques spécifiques – tel que le grain, le traitement des ombres et des lumières ou encore le cadrage -, tantôt exposés sans artifice. Un écho collectif que les artistes mettent à la disposition du public. En dévoilant ces scènes de vie, ils tissent en réalité un lien entre leur histoire et celles des spectateurs, et alimentent ainsi cette idée forte du partage et du don de soi inhérente à l’art.
> L’exposition Love Songs. Photographie de l’intime est visible jusqu’au 21 août 2022 à la Maison Européenne de la photographie.