Dans le monde de l’art comme dans celui de la mode et de l’immobilier, la création 3D occupe une place de plus en plus importante. Le label de design polonais Tylko l’a bien compris et vient d’annoncer sa collaboration avec Imma.gram, influenceuse japonaise. Le hic, c’est qu’en dépit de ses 350000 followers, Imma.gram n’existe pas. C’est un mannequin et influenceuse virtuelle. Double-t-elle les égéries bien réelles qui commençaient à pointer leur nez dans le design ?
Les égéries d’avant
En langue de pub, une égérie, c’est une personnalité qu’une marque juge assez connue pour lui demander de faire sa publicité. Cette opération qui a parfois le toupet d’être présentée comme une collaboration est en réalité un échange de visibilité dans les règles d’un contrat rémunéré. Il existe d’ailleurs dans certaines agences de mannequins, un département Talents, s’occupant d’acteurs ou d’actrices de cinéma par exemple, disponibles pour promouvoir des produits. L’artiste se doit de bénéficier de l’opération sans ternir son image. Tout est une question de dosage.
Dans le design, l’usage de l’égérie est moins répandu que dans la mode. Il ya quelques jours, la Chanel Ambassador Charlotte Casiraghi, caracolait calmement à cheval (au grand dam des groupes de défenseurs des animaux) sur le catwalk ouvert du défilé de mode de la maison de couture, scénographié par l’artiste contemporain Xavier Veilhan. Le jour même, les images de l’évènement ont probablement circulé encore plus qu’elles ne l’auraient fait sans ces intervenants.
Jusqu’à présent, les égéries étaient bien réelles, même si leur apparence sur écran est parfois retouchée au point de les faire passer pour des avatars d’elles-mêmes. Si en mode, le recours aux égéries (réelles) est ancien, dans le design, quand le photographe Christian Coigny demandait dans les années 1990, à Audrey Hepburn, Francis Ford Coppola ou à Andrée Putman de poser en compagnie d’un siège de l’éditeur Vitra pour en faire la publicité, c’était complètement nouveau.
Il y a quelques années, la styliste Inès de La Fressange posait assise sur un fauteuil Poltrona Frau, non sans oublier de porter les chaussures de la maison de souliers Roger Vivier qu’elle représente. La renommée de l’un(e) répondait à celle de l’autre. En 2004, pour ses 40 ans, Habitat invite aussi des tops model ou des champions de sport, à signer des produits. Plus récemment, le mannequin Claudia Schiffer faisait la promotion de céramiques conçues par elle-même chez le portugais Vista Alegre.
Une nouvelle ère
Aujourd’hui, apparaissent dans le monde du digital des égéries du troisième type. L’éditeur de design polonais Tylko en a rencontré une. Puisque chez Tylko, les clients peuvent préfigurer en ligne les rangements qu’ils souhaitent, la maison affiche d’autant plus d’intérêt pour le digital. Pour promouvoir les produits de sa marque, Tylko collabore ainsi avec Imma.Gram.
La nouvelle égérie japonaise déclare elle-même que « le virtuel à des possibilités infinies ». Elle ne saurait mieux dire, cette jeune femme qui pose comme une pro à côté des rangements de Tylko. En fait, c’est un top model 3D créé par Modeling Cafe, une entreprise de jeux vidéo. Cheveux rose et visage lisse, Imma a même un compte Instagram très suivi. Son prénom fictif, en japonais, veut dire « Maintenant ». Influenceuse, elle se promeut elle-même comme elle le fait avec des produits… auprès de plus de 350000 abonnés.
A qui profite l’égérie numérique ?
Dans cette histoire, il y a un intermédiaire qui saute, c’est l’agent de mannequins … et les honoraires du mannequin lui-même. Qui sollicite Imma-Gram ne traite qu’avec ses créateurs. De quoi est-ce le signe ? Il faut dire que l’avatar chic ne manque de rien. Le Chinois Xiqiao Liu, chief marketing officer du label informatique Lenovo, avance, sûr de lui : « Imma, avec son style plus grand que la vie et son attitude intrépide, est le partenaire idéal dans la conquête du client unique.» Langue de bois pour justifier son effigie géante dans les rues de Tokyo, un ordinateur à la main ? se dit-on jusqu’à ce que l’on ait vu apparaître son portrait géant dans les cérémonies des Jeux Paralympiques de 2020.
Pour l’instant, Imma.gram suit son petit bonhomme de chemin, dévoilant son look du jour sur Instagram. Qui vend une robe, vend un boeuf.