Top Chef est indéniablement un dénicheur de talents. De par leur exposition cathodique, révélant autant leur savoir-faire que leur personnalité, nombre de ces cuistots (en herbe ou confirmés) ont depuis transformé l’essai dans des établissements à succès. Si les gagnants semblaient logiquement tirer leur épingle du jeu – Romain Tischenko (saison 1 en 2010) désormais propriétaire du Galopin, Stéphanie Le Quellec (vainqueure en 2011) auréolée de deux étoiles au Michelin pour La Scène, Jean Imbert (gagnant l’année suivante) qu’on ne présente plus… —, cette saison semble avoir été un véritable catalyseur de notoriété. Tour d’horizon des top tables de la promo 2021.
Bruno Aubin au Cléo
Plutôt que sur la Rive droite hyperactive où se plantent sans relâche les graines « cool » du moment, Bruno Aubin a préféré prendre ses quartiers dans le sillon des Invalides. Le lieu est à son image : discret et pertinent. La table, bien sûr, l’est tout autant. Parce qu’il s’agit d’un restaurant d’hôtel, l’élégant et très confidentiel Narcisse Blanc (5 étoiles), Cléo compose avec les valeurs de son hôte : seulement 20 couverts, une carte courte et riche, et un décor loin des canons actuels. Celui-ci, imaginé par les designers Laurent & Laurence (Laurent Bardet et Laurence Jean) accompagnés des décorateurs Thierry Martin et Thibaut Fron (Exclusive Interiors by T&T), ouvre une véritable parenthèse de douceur.
Le chef Aubin a signé au Cléo avant même sa participation à Top Chef. La pandémie étant passée par là, il révèle enfin cet été l’étendue de son talent hors de l’écran. Chez Cléo, on goûte donc à une cuisine qui n’a pas peur d’être franche et authentique. La viande tient la vedette, divinement grillée ou juste mijotée, parfois twistée d’un trait asiatique (bouillon de canard au miso et foie gras) mais toujours accompagnée de légumes issus de productions agricoles locales. Un retour aux sources bienvenu, qui s’éloigne de l’offre pléthorique de tables végétales et/ou à partager.
> Restaurant Cléo au Narcisse Blanc hôtel & spa. 19, boulevard de La Tour-Maubourg 75007 Paris.
Mohammed Cheikh chez Manzili
Le champion de la saison 12 de Top Chef s’est vu remettre les clés des cuisines du restaurant du Jardin des Plantes. Le temps d’un été, il a donc investi Les Belles Plantes, qui répondront jusqu’à octobre au nom de Manzili, agrémenté de deux grandes terrasses couvertes. Comme une évidence, le jeune chef a choisi de mettre en avant sa passion pour la cuisine méditerranéenne autour d’un méli-mélo coloré et solaire qui bluffera ceux déjà séduit par la patte Cheikh « vue à la télé ».
Plus lisible que les plats de haute voltige proposés au jury du concours, la carte de Manzili joue l’accessibilité sans surprise (poulpe grillé, épaule d’agneau braisée, tartares et ceviches de la mer…). Formé auprès des plus grands (Alain Senderens, Yannick Alléno, Laurent André, Eric Fréchon…), Mohammed Cheikh semble donc avoir pris le contrepied de son parcours étoilé. En attendant la suite…
> Manzili. 47, rue Cuvier, 75005 Paris. Jusqu’au 3 octobre 2021.
Matthias Marc chez Liquide
Le trublion de Top Chef 2021 décline la formule à succès de son restaurant Substance dans une version plus abordable et centrale. A mi-chemin entre la Samaritaine et la Bourse du Commerce, son Liquide magnétise ceux qui veulent goûter à son fameux trompe-l’œil de bougie (farci de rillettes de maquereau, chocolat blanc et piment) et, plus généralement, sa cuisine qui bouscule sans complexe les traditions franc-comtoises (vin jaune, cancoillotte, saucisse de Morteau…).
Convié à la fête, Philippe Starck a conçu une table d’hôtes pour douze convives qui s’insère dans un décor fait de moumoute de fleurs séchées et suspensions en bois de cerf. Ce cadre reflète bien l’esprit du jeune chef aux influences multiples, qui a placé aux fourneaux son pote et ancien candidat Jarvis Scott. Enfin, Liquide ne serait pas Liquide sans sa carte des vins à forte connotation biodynamique et jurassienne et sa carte de cocktails signature servis dans une authentique corne ! J.-C.C.
> Liquide. 39, rue de l’Arbre Sec, 75001 Paris.
Sarah Mainguy au Grand Vacarme
La finaliste du concours s’essaie elle aussi à l’éphémère. Cheffe de son propre restaurant à Nantes, Vacarme, Sarah Mainguy décline pour l’été sa carte végétale dans le cadre du jardin de l’hôtel Grand Quartier. Pour l’occasion, les fougères et les hortensias adoptent pour voisins un ensemble outdoor Fermob choisi au diapason du colorama de la cour arborée. Si le soleil a clairement boudé le mois d’inauguration de cette bulle bucolique, son agencement propose toutefois aux Parisiens d’oublier, l’espace d’un repas, la réalité météorologique de la capitale cet été.
Une fois n’est pas coutume, la patte téméraire et singulière de la jeune cheffe se fait discrète dans l’assiette. Ou trop chiches ou trop copieux, les plats de la carte peinent à trouver une cohérence, bien que certains fassent frétiller les papilles (délicieux crudo de dorade et son émulsion d’oseille). Les desserts osent enfin dérouter (bonbons de tomate cerise à la verveine et gaufre sarrasin/os à moelle) sans pour autant rendre justice aux épreuves cathodiques qui ont révélé Sarah Mainguy.
> Grand Vacarme. A l’hôtel Grand Quartier. 15, rue de Nancy, 75010 Paris. Jusqu’en octobre 2021.
Chloé Charles aux Jardins d’Olympe
Pour la première fois, les sublimes jardins du Musée Carnavalet accueillent un public de gourmets. Cet été, Chloé Charles, la très remarquée candidate de la brigade d’Hélène Darroze, impose sa patte végétale et généreuse dans un cadre historique contraints aux aléas de la météo. Avec à ses côtés une dream team de femmes talentueuses (Andrea Sham pour le sucré, Camille Vidal pour les cocktails, Leslie David à la D.A. et Marine Serre), la Top Cheffe remet au goût du jour le pique-nique.
Soyez prévenu : ici, pas de service à table et encore moins de jolies céramiques. Aux Jardins d’Olympe, la simplicité est de mise. Les plats concoctés par Chloé Charles se commandent au comptoir et sont proposés dans des boîtes en Inox empilables, façon casse-croûte. Les petites tartes, salades fraîcheurs et créations plus pointues s’échangent ainsi dans le cadre des deux jardins du musée de l’Histoire de Paris, remodelés par l’architecte François Champsaur, qui s’est entouré pour l’occasion de designers engagés pour l’environnement (Samy Rio avec son mobilier en matériaux naturels et Damien Roger pour la création de paysages architecturaux).
> Les Jardins d’Olympe. Au Musée Carnavalet. 16, rue des Francs-Bourgeois, 75003 Paris. Jusqu’en octobre 2021.