Jeunes designers : Hall Haus, le collectif qui secoue la scène française

Derrière l'étiquette Hall Haus, se cache un collectif de quatre jeunes designers. Une nouvelle génération bien partie pour bousculer les codes du secteur. Interview.

Hall Haus est un collectif qui réunit quatre jeunes designers bourrés de talent (Sammy Bernoussi, Teddy Sanches, Abdoulaye Niang et Zakari Boukhari), qui ont tous grandi dans les banlieues parisiennes. IDEAT les a repérés avec leur projet « Curry Mango », un objet manifeste élaboré durant la pandémie dans le cadre de la résidence « À l’oeuvre » de la Fondation Lafayette Anticipations . L’objectif était d’hybrider le fauteuil Wassily dessiné par Marcel Breuer (1928) avec la fameuse chaise pliante Quechua, dont le coût dérisoire en a fait un archétype de la jeunesse. Une démarche singulière de transmission de la culture design qu’IDEAT a voulu décrypter. Rencontre avec le collectif dans son nouveau studio dans les ateliers de Poush à Clichy (Hauts-de-Seine).


Que signifie ce nom « Hall Haus » ?
Teddy :
C’est un aller-retour, Le « Hall » pour notre environnement, qui définit d’où l’on vient (les banlieues parisiennes). « Haus » c’est en référence au Bauhaus. Trois d’entre nous sommes diplômés de l’Ensci, promotions 2018 et 2019. Quant à Zakari, il est toujours étudiant à l’Ensam en parcours énergie renouvelable.

Comment le collectif Hall Haus s’est-il formé ?
Zakari : Auparavant, nous faisions tous partie d’un autre collectif… que nous avons quitté pour fonder Hall Haus car nous avions d’autres ambitions et d’autres projets. On a décidé de recentrer notre activité sur trois axes qui sont l’objet, l’expérience et la transmission.

De gauche à droite : Sammy, Teddy, Zakari, Abdoulaye sur le fauteuil Curry Mango.
De gauche à droite : Sammy, Teddy, Zakari, Abdoulaye sur le fauteuil Curry Mango. Mamadou Diakhité

Kanye West, Pharrell et le Bauhaus

Votre force ?
Sammy :
Notre complémentarité et l’appropriation. On se joue beaucoup des codes. Ceux qu’on acquiert dans le « Hall » et que l’on injecte dans le « Haus ».
Abdoulaye : Notre force réside aussi dans notre volonté de rendre le design accessible. Dans une ère où ce domaine se veut de plus en plus « élitiste », nous intégrons notre vécu, nos identités dans nos projets. Nous voulons faire une place au milieu populaire dans le design.
Teddy : Pour moi, c’est le fait de confronter les connaissances acquises lors de nos études.
Zakari : On vient avec une triple lecture sur plusieurs aspects du design XXX et ce qu’il représente pour nous.

Le collectif Hall Haus avec le fauteuil Curry Mango.
Le collectif Hall Haus avec le fauteuil Curry Mango. Mamadou Diakhité

« Un fauteuil de bon goût, comme une bonne sauce curry Mango »

Quelles sont vos inspirations ?
Abdoulaye et Teddy :
Nous somme inspirés par l’univers du hip-hop, Kanye West, Pharrell Williams… Notre entrée dans le design s’est faite par là. Ces musiciens se sont tournés vers le design, les vêtements, les chaussures et l’objet d’une façon générale. Nous sommes aussi inspirés par des architectes, comme Tadao Ando et le Bauhaus, bien sûr… Nos inspirations sont ce que l’on voit dehors au quotidien.
Sammy : Je dirais Zaha Hadid.
Zakari : Moi, ils sont là mes inspirations ! (montrant Teddy, Sam et Abdoulaye).

Comment décririez-vous le fauteuil Curry Mango ?
Sammy :
C’est un fauteuil de bon goût, comme une bonne sauce curry Mango. Les jeunes des quartiers ne veulent pas de vieux scooters tout pourris, ils veulent des T-max (un modèle surpuissant et très recherché, NDLR). De la même façon, nous, on ne veut pas de chaises Quechua, on veut des Currry Mango !
Zakari : Elle représente l’identité de notre collectif. C’est vraiment une chaise qui est le résultat de l’utilisation de nouveaux outils de fabrication numérique.
Abdoulaye : C’est une assise avec plusieurs niveaux de lecture, notamment l’utilisation, le prototypage rapide et l’expérimentation.

Hall Haus et la réappropriation de l’objet

Quels ont été les défis auxquels vous a été confronté dans la conception du fauteuil Curry Mango ?
Sammy :
Celui de la suppression des jonctions en plastique, présentes dans la chaise Quechua pour créer un nouveau système de pliage utilisant le bois. Trouver les bons réglages a été particulièrement délicat.
Teddy : La fluidité, tant par l’esthétique que la partie technique.

Hall Haus dans la boutique À Rebours, où ils ont exposé leur projet Curry Mango avec des visuels et prototypes.
Hall Haus dans la boutique À Rebours, où ils ont exposé leur projet Curry Mango avec des visuels et prototypes. Mamadou Diakhité

La réappropriation des objets du quotidien semble au cœur de l’activité de votre collectif…
Sammy :
Durant mes études, j’avais pris comme inspiration la boisson Caprisun pour créer des détournements. Au quotidien, nous aimons nous réapproprier les objets qui nous entourent. Nous continuerons à le faire dans le futur…
Abdoulaye : Ce qui nous intéresse réellement, c’est l’objet. Mon projet de mémoire portait sur « Comment un objet peut bouleverser une pratique ? » Il était déjà question de ré-appropriation, celui du format cinématographique en l’occurence.

Vous cultivez une approche très novatrice du design…
Teddy :
Oui et la chaise Curry Mango traduit bien notre démarche singulière. Nous créons de la nouveauté en soulevant pleins de points rarement abordés.
Sammy : Curry Mango est un objet manifeste de ce que l’on veut faire à l’avenir.

Le procédé définit le matériau

Quel est votre rapport aux matériaux ? Quels sont ceux que vous aimez utiliser ?
Hall Haus
: Nous sommes avant tout pluridisciplinaires : c’est plutôt le procédé et la forme désirée qui vont définir le matériau. Ceci dit, nous aimons les fibres naturelles.

Vous naviguez entre plusieurs corps de métiers pour vos projets. Lequel vous attire pour une prochaine collaboration ?
Hall Haus
: Nous aimerions nous frotter à la métallurgie et aux éléments bio-sourcés.

Le collectif Hall Haus.
Le collectif Hall Haus. Mamadou Diakhité

Vous avez aussi récemment créé une installation pour la boutique Adidas du Marais ?
Sammy :
Nous avons en effet exposé des pièces uniques pour mettre en valeur la campagne « End plastic waste ». Nous avons décidé d’utiliser un maximum de matériaux en plastiques recyclés pour mettre en valeur le propos.

Hall Haus et l’identité éco-design

Quelle importance accordez-vous à l’éco-design ?
Hall Haus :
En 2021, il est essentiel de l’inclure dans tous les projets. C’est pour cela qu’on nous sollicite, car l’éco-conception fait partie de notre ADN. C’est un objectif majeur et l’identité même de la Hall Haus…

Le projet de vos rêves ?
Zakari :
La construction d’un bâtiment en entier ou du mobilier urbain.
Abdoulaye : Tout dépend de l’échelle mais on veut « jumper » entre celles-ci…

La transmission est elle aussi au cœur de vos préoccupations…
Teddy : Nous intervenons dans différents lieux comme l’école Kourtrajmé, des lycées et également à l’ENCSI.
Abdoulaye : Pour nous, c’est essentiel car dans nos parcours, nous avons été aidés. Nous aimerions à notre tour le faire par le biais de workshops afin de sensibiliser des jeunes qui n’ont pas un accès direct au design.

Que diriez-vous à un étudiant qui aimerait se lancer dans le design ?
Hall Haus : Let’s go et accroche-toi ! Il ne faut pas avoir peur de l’échec et rester curieux.

Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Hall Haus : Parmi nos projets en cours, il y a un canapé, encore en cours de dessin, une sacoche et, de façon générale, une exploration plus approfondie du mobilier.

Stylisme photos : Super Vision Office.
> Retrouvez HallHaus sur leur site et sur Instagram @hall.haus

De gauche à droite : la chaise quechua, le fauteuil Curry Mango, la Wassily de Marcel Breuer.
De gauche à droite : la chaise quechua, le fauteuil Curry Mango, la Wassily de Marcel Breuer. Mamadou Diakhité