C’est par ces mots, « Loulou ? – Oui, c’est moi ! », susurrés dans un spot publicitaire pour le parfum Cacharel, que la photographe Sarah Moon a marqué toute une génération. Tourné à la fin des années 80, le petit film hommage à l’actrice des années 30, Louise Brooks, résume assez bien l’univers cher à l’artiste : la féminité, la solitude, l’imaginaire et la mélancolie. De sa jeunesse passée en Angleterre, Sarah Moon, née en 1941 en France, a gardé une excentricité toute britannique. Elle débute comme mannequin, de 1960 à 1966, puis s’initie à la photographie en autodidacte. Dans le milieu de la mode des années 70 et 80, où ses homologues masculins sont légion, elle impose son propre style. Elle exécute des commandes pour des griffes prestigieuses (Dior, Yamamoto) et shoote pour de grands magazines de mode (Vogue, Elle, Harper’s Bazaar…).
Temps suspendu
Dès le début, la signature de Sarah Moon s’illustre par l’importance de la mise en scène, la construction d’une fiction et la multiplicité des procédés. Le parcours de l’exposition, non chronologique, oscille entre des époques et des sujets rythmés par ses réalisations cinématographiques. Les films Circuss (2002), Le Fil rouge (2005) ou Le Chaperon noir (2010), adaptations de contes populaires, sont des moments suspendus autour desquels les images s’organisent et s’animent. Fidèle en amitié comme en amour, Sarah Moon rend hommage à son compagnon, l’éditeur Robert Delpire, créateur des célèbres Photopoches, disparu en 2017. Photographies, affiches, livres et films restituent les projets du fondateur et directeur du Centre national de la photographie, de 1983 à 1996, dans une salle des collections permanentes du musée. La discrète et prolifique Sarah Moon poursuit seule ses recherches, accompagnée de son tireur historique pour ses sublimes épreuves en noir et blanc : le talentueux Patrick Toussaint.
> « PasséPrésent ».Au musée d’Art moderne, à Paris (XVIe). Jusqu’au 10 janvier 2021. Mam.paris.fr