Dans son fameux Journal, Andy Warhol, excédé par l’effervescence d’un voyage en Italie, écrit : « Les Italiens font toujours en sorte qu’il se passe quelque chose. » L’artiste avait bien tort de s’en formaliser. Aujourd’hui, au milieu des restrictions liées à la crise sanitaire, rien n’est plus réjouissant que de voir des évènements culturels se maintenir envers et contre tout. En mai dernier, le maire de Milan est ainsi venu en personne via Padova visiter Assab One, lieu de culture contemporaine, créé par Elena Quarestani, ancienne journaliste et éditrice férue d’art.
L’édile était venu inaugurer l’ultra-graphique fresque de l’artiste et designer Nathalie du Pasquier, qui court sur les murs de cet ex-bâtiment industriel. Des bandes horizontales rouges, blanches et noires, séparées d’un liséré noir, le tout séquencé de poutres bleues plates comme des planches. Jusqu’au 19 novembre 2020, se tient derrière les murs d’Assab One, la dernière édition du projet « 1+1+1/2020 », une série d’investigations aux confins de l’art, du design et de l’architecture. Sous la houlette de la curatrice Federica Sala, cet accrochage fait défiler trois installations dialoguant les unes avec les autres.
Le fait-main, une forme d’art
Les créateurs invités par Elena Quarestani et Federica Sala ont choisi de travailler avec leur entourage. Prenez Michele de Lucchi. Le maestro s’est associé au cercle d’architectes créateurs proche de lui et réunis au sein de l’AMDL Circle, véritable groupe de recherche. Leur installation commune illustre le besoin d’élever des monuments symboliques à la gloire de l’artisanat et du fait-main, perçus comme des formes d’art. De Lucchi et ses troupes insistent clairement sur les symboles. Avec des tapis, ils ont fait des portes, des toits puis carrément des maisons suspendues dans l’espace.
La deuxième installation à découvrir émane du studio de design londonien Pentagram. A Londres, en plein confinement, Naresh Ramchandani, son fondateur, a développé un réseau virtuel d’amis créatifs pour se remonter le moral. Leurs Home Poems s’inspiraient de ceux d’un ami célébrant à travers ses tweets quotidiens les petites joies dispensées en plein confinement par les objets du quotidien. La prose a été recueillie par le réalisateur Steven Qua et interprétée par un acteur. Au total 19 personnes dans 16 intérieurs s’en sont emparées. Ces petites séquences filmées ont atteint 150 000 vues avant de venir s’exposer chez Assab One.
Une installation collective
La troisième installation, Arborescence in 3 suites, investit l’espace telle une gigantesque vague de rhizomes argentés. D’un simple module de départ, l’artiste Loris Cecchini a généré tout un système, comme une plante qui se développe. Cette efflorescence métallique évoque spontanément, vu d’aujourd’hui, l’océan de flux numériques dans lesquels nous baignons. Les différentes entités se sont vu et ont phosphoré ensemble. Dans une conjoncture favorisant parfois le repli sur soi, cet aspect de la manifestation prend une résonance particulière. Comme s’il était actuellement très déplacé de tirer la couverture à soi. Michele de Lucchi le rappelle par le titre de son installation architecturale « Many Hands make one ». Artistes, designers et architectes se sont unis pour former plus qu’une protection, une maison, un village… une ville !
> Assab One. Via Privata Assab, 1, 20132 Milano. Du mercredi au samedi, de 15 h à 19 h. Jusqu’au 14 novembre.