En 2020, le liège change de dimension. Longtemps cantonné aux pièces de petite taille, il devient un matériau de choix pour des pièces de mobilier et s’invite dans les collections des grands designers. Le Britannique Tom Dixon vient ainsi de dévoiler une collection, sobrement baptisée « Cork ». Au programme : une série de tables et une étagère à la silhouette dodue, qui rendent hommage à cette matière tactile, utilisée depuis toujours dans le monde de la marine ou celui de l’alimentation.
Si le Londonien a choisi le liège, c’est à cause de ses nombreuses qualités : en absorbant le bruit ambiant, il apaise l’atmosphère, résiste à l’eau et conserve une certaine élasticité. Mais il affiche également de nombreux atouts écologiques. Inutile d’abattre le chêne-liège, il suffit de récupérer la précieuse écorce sur l’arbre, elle se régénère au bout de neuf ans. Léger et cultivé dans le bassin méditerranéen, son bilan carbone est réduit. Et il est bien sûr biodégradable…
Des caractéristiques qui ont également séduit Jasper Morrison pour sa collection « Corks » (Kasmin Gallery, USA) qui décline assises, étagère et encadrement de cheminée, fabriqués avec un matériau constitué de bouchons de bouteille de vin mis au rebut. Le Britannique est un récidiviste. En 2004, il avait déjà dessiné Cork (au singulier cette fois) pour Vitra, une famille de trois tabourets dans ce matériau. Et en 2015, il avait signé pour la marque japonaise Muji une cabane à la façade recouverte de liège, dans le cadre de la Tokyo Design Week. En effet – cela est lié au changement d’échelle des pièces en liège –, il s’acoquine aussi avec le monde de l’architecture.
La preuve avec la « Cork Screw House » du jeune studio Rundzwei Architekten, qui a signé cette bâtisse berlinoise à la façade et au toit recouverts de liège. Mais ce sont les architectes du Portugal – qui reste le premier producteur et exportateur mondial –, qui ont mis à profit les premiers les déchets de l’industrie du bouchon. Transformés en granulés, ils forment sous la force de la chaleur et de la pression des panneaux de grande dimension qui affichent résistance aux intempéries, aux moisissures et une isolation thermique et sonore idéale, qui réduirait même le bruit de la pluie dehors…
Autre bâtisse mettant à l’honneur la fameuse écorce, la « Cork House » de Matthew Barnett Howland, Dido Milne et Olivier Milton, a reçu un grand nombre de récompenses architecturales. Cette maison expérimentale posée dans la campagne anglaise, non loin du prestigieux Eton College, étonne d’abord par sa silhouette pyramidale évoquant des « ruches celtiques ou des temples mayas ». Mais ce n’est pas ce profil inhabituel qui lui a valu, entre autres, le Royal Institute of British Architects (Riba) Stephen Lawrence Prize ou encore le Riba President’s Award for Research l’année dernière. Conçue comme un kit, avec d’énormes blocs de liège, la bâtisse peut être complètement démontée puisqu’elle n’utilise ni mortier ni colle lors de sa construction. Ses composants peuvent donc être réutilisés et même les fondations à vis sont amovibles. Une méthode au bilan carbone négatif pour un projet que le jury du Riba a qualifié de « modèle noble et inspirant ».
Vu l’urgence environnementale, rien d’étonnant à retrouver le liège dans le projet du studio sud-africain Counterspace, pour le 20e pavillon de la Serpentine Gallery, qui défriche chaque été en confiant la réalisation dune structure à des architectes d’avant-garde (à découvrir, on l’espère, du 11 juin au 11 octobre prochains dans la capitale britannique). Le lieu, s’inspire des différents espaces de rassemblement autour de Londres, notamment ceux des migrants. L’édifice sera construit de manière 100% durable en utilisant différents matériaux et le liège sera omniprésent. Une proposition conforme à la promesse d’Hans-Ulrich Obrist, directeur artistique de la Serpentine Gallery : « A l’avenir, l’écologie sera au cœur de tout ce que nous faisons. » Un mot d’ordre auquel le liège répond avec toutes ses qualités.