Le monde du design se mobilise contre le Covid-19

Salone del Mobile menacé, usines fermées, lancements repoussés… Comme toute l’économie, le monde du design subit de plein fouet les dommages collatéraux liés au Covid-19. Mais loin d’attendre que le mal passe pour reprendre leur activité, certains retroussent leurs manches pour lutter contre la crise sanitaire… IDEAT a recensé les principales initiatives qui ont émergé ces derniers jours.

Premier problème identifié par les designers dans la lutte contre le Covid-19, le manque de masques dans les hôpitaux. Spécialisé dans l’impression 3D, le studio espagnol Nagami Design, qui a notamment collaboré avec le Britannique Ross Lovegrove, a bouleversé son fonctionnement pour aider les professionnels de santé ibériques. En stoppant complètement leur production de mobilier, les Espagnols parviennent à produire près de 500 masques/écrans par jour. « C’est de loin le projet le plus important sur lequel nous ayons jamais travaillé, mais aussi celui que nous souhaitions ne jamais avoir eu à démarrer… », se désolent les fondateurs du studio.

Masque imprimé 3D de Nagami Design.
Masque imprimé 3D de Nagami Design. Nagami Design

La Belge Pascale Risbourg a, elle, délaissé ses papiers peints à motifs érotiques et ressorti sa machine à coudre afin de confectionner des masques. « J’ai commencé une production et je me suis engagée sur 100 pièces. Une goutte d’eau par rapport à la demande mais c’est un peu comme la légende amérindienne du colibri ! », se défend la créatrice. Son compatriote Jean-Paul Lespagnard met aussi la main à la pâte et propose sur le compte Instagram de sa marque Extra Ordinaire, un tuto pour fabriquer ses propres masques. Dans un esprit plus léger, les trublions du collectif 5.5 soumettent sur le ton de l’humour toute une série d’ustensiles DIY pour tenir le choc en temps de confinement, dont un masque réalisé à l’aide d’une simple feuille de Sopalin et d’élastiques, mais aussi une ceinture-mètre ruban pour garder les distances de sécurité quand on sort faire ses courses.

Les spécialistes de l’impression 3D sont visiblement les plus réactifs pour pallier aux carences du système sanitaire. Les Italiens d’Isinnova ont vite remarqué qu’ils pouvaient détourner le fameux masque de snorkeling Easybreath de Décathlon. En modifiant ce dernier avec une pièce qu’ils fabriquent avec leurs imprimantes qui tournent 24/24, ils ont ainsi permis de créer plus de 500 respirateurs supplémentaires pour les hôpitaux de Lombardie, qui en manquent cruellement.

En Lombardie, les masques de snorkeling de Décathlon sont transformés en respirateurs.
En Lombardie, les masques de snorkeling de Décathlon sont transformés en respirateurs. DR
La poignée de porte de Materialise permet de l’ouvrir sans ses mains…
La poignée de porte de Materialise permet de l’ouvrir sans ses mains…

Eux aussi spécialisés en impression 3D, les Belges de Materialise ont conçu un accessoire permettant d’ouvrir une porte sans la toucher avec ses mains. Car la question de l’hygiène des mains, principaux vecteurs du virus, est capitale. Le sujet est également au cœur d’un concours lancé par Bompas & Parr, le studio de design culinaire britannique, célèbre pour ses réalisations architecturales en jelly. Ses deux créateurs invitent les designers à développer une approche esthétique et fonctionnelle, afin de laver nos mains plus souvent et plus efficacement.

Le studio de design londonien Bompas & Parr veut que les gens se lavent mieux les mains…
Le studio de design londonien Bompas & Parr veut que les gens se lavent mieux les mains… Bompas & Parr

L’architecte et théoricien italien Carlo Ratti s’est, lui, attaqué au problème des hôpitaux saturés. Entouré de designers, d’ingénieurs, de professionnels de la santé et d’experts militaires, il a donné naissance au projet « CURA » (Connected Units for Respiratory Ailments). Celui-ci donne une seconde vie à des conteneurs en les transformant en modules de soin/confinement. Rapidement déployables, ils peuvent répondre rapidement à la pénurie d’espaces de soins intensifs dans les hôpitaux. Le premier prototype est en cours de construction dans un hôpital de Milan, l’une des villes les plus touchées d’Italie par le Covid-19, mais aussi l’épicentre du design mondial…

Les modules sanitaires Cura de Carlo Ratti, bientôt déployés devant le Castello de Milan ?
Les modules sanitaires Cura de Carlo Ratti, bientôt déployés devant le Castello de Milan ?

Affaibli mais pas résigné pour autant, le design italien demeure actif même durant l’épidémie. Fondé par trois journalistes spécialisés de la discipline, le site #DesignResistenza met en lumière toutes les initiatives et réflexions des designers en temps de crise et les solutions qu’ils peuvent apporter au jour le jour.

Et en Chine, pays d’où la pandémie est partie, Frank Chou, accompagné de Pino Wang s’est lui aussi emparé du sujet avec le « Time-Changong Handsanitizer », un savon liquide qui change de couleur au bout de 30 secondes. Une façon de prolonger ce geste trop facilement écourté. Ce savon du futur est issu du projet « Create Cures ». A travers six concepts, des designers chinois proposent autant de solutions en réponse au virus. Au programme, un mouchoir pouvant prendre la forme d’un masque, ou encore une lampe à rayons ultraviolets qui stérilise votre téléphone portable. « Nous pensons que le coronavirus sera bientôt éliminé, cependant, en tant qu’humain, nous devrons faire face à davantage de problèmes de santé, et ce dans un futur proche », souligne Frank Chou. « En tant que designer, nous devons redéfinir ce qu’est le design, ce que nous pouvons faire en tant que designer et ce que nous pouvons donner. »

Frank Chou est né à Pékin mais vit et travaille aujourd’hui à Xiamen.
Frank Chou est né à Pékin mais vit et travaille aujourd’hui à Xiamen. DR

> Si vous avez connaissance d’autres initiatives, n’hésitez pas à nous en faire part à l’adresse suivante, nous les ajouterons au fil des jours à cet article.

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