Spaceport : Visite du premier aéroport conçu pour le tourisme spatial

IDEAT vous présente le premier aéroport destiné au tourisme spatial ! Visite guidée avec Gautier Pelerin de l'agence Viewport, qui a planché sur l'intérieur de ce bâtiment complètement fou signé Norman Foster.

Les choses se précisent pour le pionnier du tourisme spatial Virgin Galactic. Le vol inaugural de sa navette SpaceShipTwo devrait avoir lieu dans les prochains mois et l’exploitation commerciale commencer dans la foulée… Une chose est sûre, au sol, tout est prêt : le bâtiment de Norman Foster et son intérieur signé par l’agence britannique Viewport, comme le confirme à IDEAT Gautier Pelegrin, qui a planché sur l’aménagement de ce bâtiment extraordinaire.


Pouvez-vous nous présenter l’agence Viewport ?
Gautier Pelegrin : Viewport est une agence créée il y a cinq ans à Londres par des architectes et des designers issus du milieu de l’aéronautique. Elle travaille aujourd’hui sur des projets très différents, qui vont bien au-delà de ce secteur : foyer d’un opéra, chaises, arts de la table en étain, villas… La compagnie aérienne Virgin Atlantic est un client régulier de l’agence, pour laquelle nous avons réalisé différents intérieurs d’avions de ligne (Airbus A330 et Boeing 787 Dreamliner). Aussi ont-ils logiquement fait appel à nous pour aménager les espaces publics du Spaceport conçu par l’architecte Norman Foster car nous connaissons parfaitement les contraintes spécifiques liées à l’aéronautique…

Le bâtiment de Norman Foster, semi-enterré dans le désert du Nouveau-Mexique.
Le bâtiment de Norman Foster, semi-enterré dans le désert du Nouveau-Mexique. DR

Ce projet représente un sacré challenge pour une agence comme la vôtre…
En effet, le Gateway to Space, son nom officiel, représente trois années de travail pour nous, autant dire une grande aventure… Tout le projet repose sur la faisabilité du tourisme spatial. Virgin Galactic organise depuis l’été 2019 des vols tests tous les 3-4 mois au delà des 90 km de la surface de la Terre, en vue du prochain vol inaugural avec Richard Branson, le président de Virgin.

Quelles étaient les contraintes initiales fixées par Virgin ?
Dès le départ, la direction avait une vision claire de ce qui devait être fait dans les intérieurs : tout devait être sur mesure, au service d’un confort absolu et de la convivialité. L’idée était d’aider les futurs spationautes à gérer au mieux le stress lié aux trois jours d’entraînement préalables au vol, mais aussi de regrouper dans un même lieu les différents intervenants : personnel au sol, pilotes, touristes, accompagnants…

Le Spaceport, vu côté piste…
Le Spaceport, vu côté piste… DR

Pas facile de se fondre dans un bâtiment aussi iconique…
Norman Foster a dessiné le bâtiment pour se fondre dans un environnement extraordinaire. Semi-enterré dans le désert du Nouveau-Mexique, entre El Paso et Albuquerque, il est conçu pour laisser entrer la Nature. Le bâtiment est d’une profonde humilité : il crée la surprise sans artifice, en laissant simplement le spectateur découvrir la vue à 180° sur le désert, qui change toute l’année avec ses cactus, l’herbe et même parfois la neige ! La ville la plus proche – qui s’appelle Truth Or Consequences ! – est à plus d’une heure de route… Du fait de la proximité avec la frontière mexicaine, les contrôles douaniers sont fréquents. Se rendre sur place est en soi une expérience lunaire…

A quoi ressemble l’intérieur du Gateway to Space ?
Le bâtiment comporte trois étages : un réservé aux entraînements des spationautes et au laboratoire (dont Viewport ne s’est pas chargé…), un autre pour la tour de contrôle et les parties administratives (très technique, tout y est extrêmement calibré, notamment la lumière) et un dernier à vivre au rez-de-chaussée, baptisé Gaia, pour les touristes et leur famille. C’est cette dernière partie qui a réclamé le plus de travail, avec son restaurant et sa hauteur sous plafond de 9 mètres…

Le rez-de-chaussée se trouve la pièce ouverte où se retrouvent touristes, ingénieurs, pilotes, accompagnants…
Le rez-de-chaussée se trouve la pièce ouverte où se retrouvent touristes, ingénieurs, pilotes, accompagnants…

Comment avez-vous abordé cette partie ?
L’idée de base était de mettre tous les occupants face à la piste et au désert. Nous avons donc créé des estrades, un peu comme dans un théâtre grec. Norman Foster a placé l’entrée à l’arrière du bâtiment, pour que l’on ne découvre la vue qu’une fois à l’intérieur. Côté entrée, nous avons travaillé des matériaux chauds, qui contrebalancent l’aspect semi-enterré. Plus on s’approche des baies vitrées, plus les éléments se font légers, flottants, brillants… L’objectif est d’effacer la frontière avec l’extérieur, en déployant un paysage intérieur. Nous tenions aussi à nous inscrire à rebours des codes de l’imaginaire spatial en utilisant uniquement des matériaux naturels (bois, tissu teint, plantes vertes…) et des lignes courbes. Pas de plastique.

Des confortables banquettes permettent d’admirer décollages et atterrissages. Leur couleur pierre imitent les dunes des alentours.
Des confortables banquettes permettent d’admirer décollages et atterrissages. Leur couleur pierre imitent les dunes des alentours. DR

Quid du mobilier ?
Il singe la Nature autour : les banquettes en contreplaqué de 10 mètres et 6 mètres de long créent des zones de repas conviviales. Nous avons également travaillé avec l’éditeur basque Alki. La mezzanine est habillée de lattes de bois horizontales qui s’inspirent de la civilisation Pueblo et des bâtiments des pionniers. Leur effet acoustique permet en outre d’améliorer la qualité acoustique de l’espace. Quant à la palette de couleurs faite d’ocre et de jaune, elle est cohérente avec celle de l’extérieur, à mille lieues du style « space age »…

Au deuxième étage en mezzanine, baptisé Cirrus, tout est blanc et cotonneux. C’est ici que travailleront les membres de l’équipe technique chargés de superviser les vols. Les baies vitrées permettent de surveiller l’aire de décollage.
Au deuxième étage en mezzanine, baptisé Cirrus, tout est blanc et cotonneux. C’est ici que travailleront les membres de l’équipe technique chargés de superviser les vols. Les baies vitrées permettent de surveiller l’aire de décollage. DR
Les lattes horizontales qui habillent la mezzanine du Spaceport permettent d’améliorer l’acoustique de la pièce principale.
Les lattes horizontales qui habillent la mezzanine du Spaceport permettent d’améliorer l’acoustique de la pièce principale. Virgin Galactic
Croquis préparatoire de l’agence Viewport pour l’intérieur du Spaceport.
Croquis préparatoire de l’agence Viewport pour l’intérieur du Spaceport. Virgin Galactic
Le seul écran en vue habille le sol du passage du Spaceport qui mènera les touristes à la piste de décollage.
Le seul écran en vue habille le sol du passage du Spaceport qui mènera les touristes à la piste de décollage. Virgin Galactic

 

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