Dans l’architecture d’intérieur, les couples sont légion, mais les duos de filles plus rares… Alors qu’il semblerait que les femmes préfèrent voler en solo, Virginie Friedmann et Delphine Versace forment l’exception qui confirme la règle. Pour ces deux-là, l’union fait la force !
Elles ont passé la première moitié de leur carrière dans le quasi-anonymat, à imaginer de sublimes décors médiatisés sous le nom d’autres. Delphine Versace, diplômée des Beaux-Arts, évolue plus de huit années dans le milieu de l’art contemporain, où elle travaille comme scénographe. De son côté, la première vie de Virginie Friedmann l’amène à valoriser l’image et les produits de multiples maisons de luxe. Sans se connaître, les deux trentenaires se dessinent un parcours en parallèle, avant de se tourner vers l’architecture d’intérieur. Une suite logique pour ces deux expertes de la mise en scène.
A leur contact, on comprend rapidement qu’aucune n’a jamais cherché la lumière. Voilà peut-être la raison de leur association : on attire moins l’attention quand on est plusieurs à partager la piste de danse… Pourtant, à force de travailler pour les autres, Virginie Friedmann et Delphine Versace ont découvert qu’elles aimaient s’exprimer de leur propre voix. Après un passage commun chez Michael Malapert (Mon Coco, Nemours…) où une étroite connivence se forme entre elles, le duo crée son propre étendard, Friedmann & Versace.
De l’architecture intérieure à la direction artistique
Fortes de parcours enrichis par des expériences plurielles, les contours classiques de l’architecture d’intérieur ne leur suffisent pas pour s’épanouir. A la façon de vraies directrices artistiques, Friedmann & Versace envisagent les lieux qui leur sont confiés dans leur globalité. Décoration et agencement de l’espace, bien sûr, mais aussi création de l’univers graphique du lieu (logo, menus…), d’une ambiance sonore, jusqu’au choix de la vaisselle… Chaque détail d’un projet est savamment réfléchi afin de dégager une véritable cohérence, et surtout de raconter une histoire.
« Nous commençons par créer un moodboard qui illustre les grandes lignes de l’histoire. Notre axe narratif se dégage de là, avec les traits de la personnalité du lieu, qui devient le protagoniste. Pour que chaque personne puisse la saisir instinctivement, il est important que son âme soit perceptible dans les moindres détails. »
La cour des Grands
C’est le Bistrot Rougemont qui les a révélées. Alors que leur nom n’évoque encore qu’une marque de luxe italo-germanique, l’ouverture de ce lieu en total look vert fait mouche. Détails soignés, mélange de matières maîtrisé, couleurs franches, motifs assumés… Pour un bistrot viandard, ça (d)étonne ! Moins d’une année plus tard, le duo prolifique a conquis le tout-Paris. Baby Doll, La Riviera, Matilda et Ferona sont autant de noms qui s’affichent régulièrement sur papier glacé ou sur les écrans de nos smartphones. Une petite prouesse pour un studio qui travaille uniquement à quatre mains !
Impossible cependant de réduire Friedmann & Versace à un style unique. « Nous définir en quelques mots ? C’est dur… Ce que je peux vous dire, c’est que nous sommes tout sauf minimalistes ! », plaide Virginie Friedmann, en citant à la fois Dimore Studio et le couple formé par Janine Abraham et Dirk Jan Rol comme sources majeures d’inspiration. A grand renfort de revêtements colorés ou imprimés, de matières précieuses comme le verre de Murano ou l’onyx et de parti-pris forts, leurs décors – c’est clair – n’ont rien de discrets. Cette patte presque clinquante sait toutefois s’assagir. A l’image de la décoration du restaurant La Riviera, plus Nouvelle Vague qu’Années Folles.
La durabilité avant tout
En brassant les recettes d’antan avec les tendances du moment, Friedmann & Versace s’attachent avant tout à créer des univers pérennes. Si elles dessinent la quasi-totalité des meubles de leurs projets, les objets de décoration proviennent d’un travail de chine intensif. Des quatre coins de la France, voire du monde, ces deux passionnées de vintage déterrent des trésors oubliés qu’elles stockent dans leur petit atelier ou directement chez elles avant qu’ils ne trouvent un nouveau foyer : « Les hirondelles qui volent sur l’un des murs de la Riviera séjournaient auparavant dans le salon de Virginie ! »
Le studio utilise avant tout la matière brute pour dicter la personnalité d’un lieu. Onyx solaire à La Riviera, velours lynchien au Baby Doll, terrazzo effet nature au Bistrot Rougemont… Les réalisations de Friedmann & Versace sont toujours empreintes d’une recherche autour des matériaux : qu’ils soient nobles ou naturels, comme le sisal et la paille, chaque ressource a son importance et sa signification. « Les contrastes renforcent la présence de chaque matière et apportent une vraie richesse à l’ensemble. »
Une manière aussi de s’engager pour une démarche plus éco-responsable. Les matériaux sont sourcés et tracés avec attention et s’inscrivent dans un projet 100 % européen. Une volonté que le duo impose dès la genèse d’une proposition : « Au lieu de tout casser pour reconstruire, nous faisons attention à conserver autant que possible l’existant d’un lieu pour le réinventer. Chez Matilda, par exemple, nous avons repeint les boiseries plutôt vieillottes de couleurs foncées pour les moderniser. »
2020 sera-t-elle l’année qui couronnera le duo ? Début janvier, c’est un décor dédié à l’Argentine que Friedmann et Versace dévoilaient aux abords de la place de la Madeleine, chez Ferona. Le printemps verra quant à lui fleurir un restaurant aux allures de maison de campagne Rive gauche. Patience…